Une note publiée par un centre de recherches rattachée à Matignon, reprise dans l’émission Complément d’enquête (capture d’écran ci-dessous), assure que, d’après la science, on ne peut établir de lien entre immigration et délinquance. Philippe Lemoine, directeur de la recherche à l’observatoire Hexagone et chercheur invité à Georgetown (Washington, É-U), critique cette affirmation.
L’immigration augmente-t-elle la délinquance en France et plus généralement en Europe ? Pour Arnaud Philippe et Jérôme Valette, deux économistes qui ont écrit une note pour le CEPII (un centre de recherche placé auprès du Premier ministre) sur le sujet en 2023, la cause est entendue : les études sur le sujet « concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance ».
Le message semble d’ailleurs avoir été reçu cinq sur cinq par la plupart des lecteurs de cette note. Par exemple, au cours d’un récent épisode de Complément d’enquête, le magazine d’investigation diffusé sur France 2, une journaliste cite la note du CEPII à l’appui de son affirmation selon laquelle le « lien de causalité entre étrangers et insécurité n’existe pas », ajoutant même que « c’est la science qui le dit ». Le problème c’est que, n’en déplaise aux journalistes de Complément d’enquête et aux auteurs de cette note du CEPII, « la science » ne démontre rien de la sorte.
D’abord, il est faux que les études sur la question concluent « unanimement » et « sans ambiguïté » à l’absence d’effet de l’immigration sur la délinquance, comme l’écrivent faussement Philippe et Valette. Il existe en effet plusieurs études qui utilisent précisément le type de méthodes permettant d’établir un effet causal de l’immigration dont ils parlent dans leur note et qui trouvent pourtant un effet de l’immigration sur la délinquance, non seulement sur les atteintes aux biens, mais parfois aussi sur les atteintes aux personnes.
La vérité est que les résultats dans la littérature scientifique, loin d’être sans ambiguïté, sont au contraire très contrastés : il est vrai que beaucoup d’études ne trouvent pas d’effet, mais d’autres en trouvent un. Parfois des études différentes aboutissent même à des conclusions différentes alors qu’elles portent sur le même pays à la même époque. La note du CEPII, qui se veut pourtant une revue de la littérature, en présente donc un portrait trompeur.
Les données individuelles sur les auteurs de délit montrent non seulement en France, mais partout en Europe que les immigrés et leurs enfants, du moins ceux qui sont originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, sont mis en cause ou condamnés pour des délits à des taux plusieurs fois supérieurs à ceux du reste de la population. Contrairement à ce que suggèrent Philippe et Valette dans leur note, cela reste vrai même quand on les compare à des individus sans ascendance migratoire de même âge, sexe et avec des caractéristiques socio-démographiques identiques.
Les biais dans la police et le système judiciaire pourraient expliquer une partie de cette surreprésentation, mais il est totalement invraisemblable qu’ils puissent l’expliquer en totalité. Personne de sensé ne peut croire que, si les ressortissants de pays africains sont mis en cause dans les affaires de vols avec violence sans arme à un taux plus de 6 fois supérieur à celui des Français, c’est uniquement ou même principalement parce que les forces de police et de gendarmerie sont biaisées contre eux.








