vendredi 16 mai 2025

L'Algérie règle ses comptes avec la France et sacrifie la « langue du colonisateur »


À l’ombre de la crise diplomatique qui caractérise les relations entre Alger et Paris, la langue française perd de plus en plus du terrain. Malgré tout, elle tente de résister.

« C’est donc une décision judicieuse ! » Debout devant des étudiants de la Faculté de médecine de Béchar (Sud-Ouest) jeudi 24 avril, le président algérien Abdelmadjid Tebboune, entouré du ministre de l’Enseignement Supérieur, du chef d’État-Major de l’Armée le Général d’armée Said-Chengriha et d’autres responsables, s’est félicité d’une décision que son gouvernement avait prise quelques jours auparavant : à partir de la rentrée universitaire de septembre 2025, les filières médicales, jusque-là enseignées en français, seront désormais dispensées en anglais. Une des dernières digues qui entourent la langue de Molière en Algérie vient ainsi de tomber. Car si l’arabe et le berbère sont les deux langues officielles, beaucoup de filières sont encore enseignées en français. De moins en moins depuis quelques mois. Motif ? « Depuis 2022, tous les ouvrages que nous utilisons sont en anglais. Il n’y a pas d’autre solution que le passage à l’anglais, si nous voulons être au diapason des nouvelles technologies », a expliqué un enseignant au chef de l’État lors de la même visite.

Reconversion forcée des professeurs

Le remplacement du français par l’anglais dans les facultés de médecine est le dernier épisode de la démarche qui consiste à supprimer graduellement la langue française des enseignements universitaires. Rien que ces cinq dernières années, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a produit plusieurs circulaires dans ce sens. Cela a consisté d’abord à « obliger » les professeurs à se reconvertir à l’anglais depuis la rentrée universitaire 2022-2023. Des cours accélérés en langue de Shakespeare étaient prévus. Sans succès. « Après 37 ans d’enseignement en français, on m’oblige à dispenser des cours en anglais. Je préfère prendre ma retraite », nous confiait à l’époque un professeur de physique à l’Université des Sciences et technologies Houari-Boumediène, dans la proche banlieue d’Alger. Comme notre interlocuteur, beaucoup d’enseignants n’ont pas caché leur désarroi. Le projet est tombé à l’eau, mais il est sorti des tiroirs à chaque poussée de fièvre dans les relations algéro-françaises.

En plus de l’Université, le gouvernement algérien a décidé, à l’été 2023, d’introduire, dans la rentrée de septembre de la même année, l’anglais dès la troisième année du cycle primaire, ex aequo avec le français qui était jusque-là première langue étrangère. Les deux langues se partagent désormais le volume horaire hebdomadaire, qui diffère d’un niveau à un autre. Des professeurs d’anglais ont été recrutés et formés dans l’urgence. Et malgré la sonnette d’alarme des syndicats d’enseignants et des partis de l’opposition qui ont dénoncé une décision prise dans la précipitation, Abdelmadjid Tebboune, parfait francophone, a maintenu le cap. « L’école, c’est du temps long. Il faut planifier sur 20, 30 ans », avait par exemple dénoncé le sociologue Aissa Kadri qui a consacré une bonne partie de sa très longue carrière universitaire, menée autant en Algérie qu’en France, aux questions pédagogiques.

Du prestige, encore et toujours

L’école et l’Université ne sont pas les seuls espaces où la langue française est pourchassée. Dans l’espace public, de nombreux frontons d’établissements publics, civils et militaires, portent désormais des inscriptions en arabe et en berbère doublées de l’anglais, alors que jusque-là, c’est le français qui côtoyait les deux langues nationales. Puis, plus récemment, la compagnie de transport aérien, Air Algérie a supprimé la langue de Malraux de ses billets et la Société de distribution des eaux d’Alger, fondée initialement avec l’assistance de la française Suez avant d’être nationalisée, de ses factures. « Un manque de respect aux clients qui ne comprennent que le français », a posté le syndicaliste Nouredine Bouderba. Cette chasse au français est étendue à la musique puisque depuis le début des récentes crises diplomatiques entre les deux pays, les chansons françaises, très populaires dans le pays, sont quasiment bannies des radios d’État, dont l’une des chaînes les plus importantes parle… en français.

« La langue française est un butin de guerre ! À quoi bon un butin de guerre si l'on doit le jeter ou le restituer à son propriétaire dès la fin des hostilités ? » Cette phrase prononcée par le célèbre écrivain algérien Kateb Yacine a toujours sonné comme une parade aux nombreuses tentatives visant à évincer la langue de l’ancien colonisateur du pays. Car, depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, quasiment tous les gouvernements ont eu leur projet de remplacer cette langue par l’arabe, devenue certes au fil du temps celle de l’administration, de l’enseignement et de la majorité des filières des sciences humaines à l’université.

Mais les projets, idéologiques pour la plupart car répondant souvent à une revendication des courants conservateurs qui poussent des cris d’orfraie contre « une colonisation linguistique » de la langue française, ont souvent échoué. Des livres continuent d’être édités en Français, tout comme une bonne partie des journaux du pays. Des écoles privées continuent de dispenser des programmes français, y compris clandestinement et le nombre d’Algériens inscrits aux cours de langue français à l’Institut français d’Alger n’a jamais baissé, selon une responsable de cette institution qui confirme que le nombre a même augmenté en 2023. À l’Université, comme dans des pans entiers de l’économie tels que les banques, les impôts et les assurances, le français tient seul le haut du pavé et n’est pas près d’y descendre, ce qui permet aux cadres y travaillant de garder un prestige souvent envié. Un sursis, selon de nombreux observateurs.

Fait paradoxal, des figures de la classe politique algérienne, y compris parmi les pourfendeurs de la langue française, font des pieds et des mains pour inscrire leurs enfants dans la seule école française autorisée en Algérie !

(Notons que l'arabe est aussi la « langue du colonisateur »...) 
 
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mercredi 14 mai 2025

Grenoble : l'université retire des dizaines d'inscriptions « artistiques » conspuant les « mâles blancs »

Des messages « à caractère raciste » qui ont scandalisé l’UNI (l'Union nationale inter-universitaire). « Ces messages inacceptables encouragent le racisme à l’encontre des personnes blanches et diffuse l’idée woke selon laquelle nous serions dans une société systématiquement raciste », a dénoncé l'association de droite qui a lancé une pétition pour que l’université de Grenoble retire les inscriptions.

La direction a condamné cette initiative. «Il y a des messages qui ont débordé le cadre acceptable. Ce sont des messages qui sont intolérables pour l’université, qui ne sont pas compatibles avec les valeurs universitaires et républicaines», a-t-il déclaré au micro de CNEWS.

Sur X, l’université Grenoble Alpes a de son côté confirmé, mercredi 14 mai, que les messages ont été effacés. « Le contenu de ces inscriptions, réalisées dans le cadre d'un atelier artistique, n’est pas à l’initiative de l’Université Grenoble Alpes et ne reflètent pas la position de l’établissement », est-il écrit.

L'Église anglicane se meurt, les jeunes hommes britanniques se tournent vers le catholicisme

Poussez la lourde porte et entrez. Le bruit qu'elle fera en claquant derrière vous semblera fort, presque grossier, dans ce vieux et froid silence. L'église St Torney, en Cornouailles, est en effet très ancienne. Les Normands l'ont construite. Les Tudors l'ont agrandie. Les Victoriens l'ont modifiée. Daphne du Maurier l'a immortalisée dans « L'Auberge de la Jamaïque ». Elle a survécu à la Réforme et à la guerre civile.

Elle n'a pas résisté à l'apathie. Au XXe siècle, les gens ont cessé de venir. Au début de la Covid-19, il n'y avait plus que quatre fidèles. Elle a fermé ses portes au début de la pandémie et n'a jamais rouvert. Son orgue a été démonté, ses livres de cantiques ont été retirés, la Bible a été enlevée de son lutrin et un silence plus pesant s'est abattu sur l'église. Une histoire de 800 ans s'achève.

L'Église d'Angleterre est en difficulté. Ce moment ecclésiastique est étrange. Le pape est mort, l'archevêque de  Cantorbéry est parti. Depuis 1691, ces deux sièges n'ont jamais été vacants. Mais ces sièges seront remplis. Les bancs de l'Église anglicane présentent un vide bien plus angoissant. La fréquentation des églises par les adultes en Angleterre a chuté de plus d'un tiers en 15 ans ; à peine plus de 1 % d'entre eux se rendent au culte chaque semaine, selon les propres chiffres de l'Église d'Angleterre. L'augmentation de la fréquentation des églises par les jeunes est principalement un phénomène catholique (voir ci-dessous). L'Église anglicane, elle, ferme une vingtaine d'églises chaque année en Angleterre.

Les critiques ressentent également un vide spirituel : dans son incapacité à résoudre les querelles internationales concernant sa position sur le mariage homosexuel et dans sa dissimulation d'épouvantables sévices infligés à des enfants. Le 6 janvier, l'ancien archevêque Justin Welby, dont beaucoup estiment qu'il a failli dans sa gestion de ce scandale, a déposé sa crosse sur l'autel du palais de Lambeth. Le processus de sélection d'un remplaçant a commencé.

Que l'on croie ou non en Dieu, cela a de l'importance pour la bureaucratie et pour la Grande-Bretagne. Les Britanniques sont peut-être un peuple sans Dieu - lors du recensement de 2021, moins de la moitié d'entre eux se sont déclarés chrétiens, alors qu'ils étaient près de 60 % en 2011 - mais la Grande-Bretagne elle-même ne l'est pas. L'Église anglicane n'est pas simplement une église, mais une église officielle.

L'Angleterre fait partie des quelque 20 % de pays (de Tuvalu au Danemark) qui ont une religion d'État. Elle est institutionnellement ecclésiastique. L'Église anglicane dispose d'une puissance indirecte (les évêques dirigent les célébrations du jour du Souvenir) et d'une puissance réelle (26 évêques en robe noire et blanche siègent à la Chambre des Lords, où ils peuvent contribuer à l'élaboration des lois). Elle a un pouvoir éducatif (par l'intermédiaire de 4 600 écoles de l'Église anglicane) et un pouvoir cérémoniel sacré (le roi d'Angleterre est couronné par l'archevêque le plus ancien d'Angleterre). Et elle a de l'argent : l'Église anglicane dispose d'une dotation de 10,4 milliards de livres sterling (19,3 milliards de dollars, 12,3 milliards d'euros).

Aujourd'hui, elle est en train de choisir un nouveau dirigeant. Le processus est aussi excentrique qu'on peut l'attendre d'une institution vieille d'un demi-millénaire et qui a eu , en son temps, non seulement des évêques, mais aussi des rois, des reines et des châteaux. L'élection et l'intronisation d'un archevêque durent des mois et impliquent un roi (Charles), un « Aumônier personnel du roi » et des lois qui datent de 1533.

Celles-ci font peu de cas de l'orthographe moderne (elles font référence à l'« Archebishope » et à la « Kynges Majestie ») ou de la morale moderne (une loi stipule que si le premier ministre est juif ou catholique, il ne peut y participer, car cela constituerait un « haut délit »). Ce processus n'impliquera donc pas beaucoup de diversité, équité et inclusion (DEI). Le singulier trône de l'archevêque de Cantorbéry en est un de pierre remontant au XIIIe siècle.

La tâche de la nouvelle recrue sera ardue. L'Angleterre n'est pas toujours tendre avec ses archevêques, comme Thomas Cranmer l'a découvert lorsqu'il a été brûlé sur le bûcher. Même si le nouveau ne sera pas confronté à cette situation, la pile des dossiers en souffrance qui l'attend est bien haute. Il (probablement, mais contrairement au prochain pape, il pourrait s'agir d'une femme) devra faire face à ceux qui s'interrogent sur le pouvoir politique de l'Église anglicane : pour Andrew Copson, directeur de Humanists UK, il est « ridicule » qu'une église dans laquelle si peu de gens pratiquent régulièrement leur culte ait son mot à dire quant aux lois du pays.

L'#Église #anglicane, institution sociale et non religieuse#comédie #satire #moderniste #religion #athée pic.twitter.com/xYh6n4p8BY

Le primat de l'Église anglicane devra faire face à l'affaiblissement du lien entre l'Église et la couronne. L'héritier de l'Angleterre, le prince William, ne va pas à l'église tous les dimanches et, selon un initié du palais, il ne se sent « pas instinctivement à l'aise » dans un « environnement religieux » - des termes délicats pour quelqu'un qui portera le titre de « défenseur de la foi ».

Gérer le présent de l'Église tout en préservant son passé est un élément essentiel du travail du nouvel archevêque. Le christianisme a changé la physionomie de l'Angleterre - une flèche ou une tour est la première chose que l'on voit lorsqu'on approche d'un village anglais - et la langue anglaise elle-même. Malgré la disgrâce de l'Église anglicane, les mots de la Bible King James de 1611 ont infusé l'anglais, mettant dans les bouches des anglophones des mots tels que « fallen from grace » (Galates 5:4) et « words in [our] mouth » (Isaïe 51:16). Il est « très difficile de comprendre l'histoire de l'Angleterre », dit Tom Holland, historien, à moins de comprendre le christianisme, puisqu'il en est « imprégné ». Le système de datation avant et après Jésus-Christ a été popularisé par un ecclésiastique anglais du VIIe siècle, le Vénérable Bède. Le temps tourne autour de son axe ecclésiastique.

Les vestiges les plus évidents de l'Église catholique sont peut-être d'ordre architectural : ses églises. Quelque 16 000 d'entre elles sont encore ouvertes ; 3 500 ont été fermées au cours de la seule décennie écoulée. Selon l'historien Sir Simon Jenkins, il est « impossible d'exagérer » leur importance ; l'Angleterre est inimaginable sans ses clochers enchanteurs.

Si l'importance des églises est évidente, leur rôle moderne ne l'est pas. Dans les années 1950, le poète Philip Larkin est entré dans une église et s'est demandé « Quand les églises tomberont complètement en désuétude/ En quoi les transformerons-nous » ? Une réponse courte : l'immobilier. L'Église anglicane vend de vieilles églises à des prix étonnamment bas. L'une d'entre elles « bénéficie » de l'eau et de l'électricité, sans parler d'une « nef, de transept, d'absides, d'une salle d'orgue et d'une tour » ; une autre bénéficie d'un intérieur « spacieux ». Toutes deux sont proposées à un prix inférieur à 300 000 livres sterling (555 000 dollars canadiens).

Certaines, comme celle de St Torney, sont sauvées par des organisations caritatives telles que le Churches Conservation Trust. D'autres sont transformées en cafés, proposant des scones et un peu de spiritualité - une sorte de Fondation pour le patrimoine national numineuse. D'autres encore sont trop difficiles à convertir en quoi que ce soit, puisqu'elles « bénéficient » également de cimetières et de nombreux cadavres. Beaucoup tombent en ruine. Près de 1 000 d'entre elles figurent sur le registre « en péril » de l'Historic England.

Le nouvel archevêque aura donc fort à faire. L'Église anglicane a déjà été confrontée à des crises par le passé. À l'époque victorienne, la théorie de l'évolution et la nouvelle science de la géologie ont ébranlé les certitudes de la foi. Le critique John Ruskin entendait le « tintement » des burins de géologue dans « chaque verset de la Bible ». Le poète Matthew Arnold se tenait sur la plage de Douvres et entendait le « long grondement mélancolique qui se retire » de la mer de la foi.

Ce qui est différent aujourd'hui, c'est que cette retraite est si peu bruyante. La foi ne rugit pas ; elle s'étiole, sans que la plupart des gens s'en aperçoivent. L'Église anglicane devrait peut-être s'y attendre : il y a, comme le dit la King James, un temps pour tout : un temps pour parler et un temps pour garder le silence. À St Torney, il n'y a pas d'autre bruit que celui des oiseaux. Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir.

En novembre et décembre derniers, l'institut de sondage YouGov - mandaté par la Société biblique, une organisation à but non lucratif qui invite les gens à « voir la Bible d'un œil nouveau » - a interrogé quelque 13 000 adultes en Angleterre et au Pays de Galles sur leurs opinions et habitudes religieuses. Les résultats sont frappants : une augmentation de 56% depuis 2018 de ceux qui déclarent aller à l'église au moins une fois par mois. Les jeunes, en particulier les jeunes hommes, mènent la charge. En 2018, seuls 4 % des 18-24 ans déclaraient aller régulièrement à l'église ; en 2024, ils seront 16 % à le faire.
 
Mais les nouveaux pieux n'affluent pas vers l'Église d'Angleterre. Ils se rendent à la messe catholique. À tel point que, pour la première fois en cinq siècles, les fidèles catholiques d'Angleterre et du Pays de Galles pourraient bientôt être plus nombreux que les protestants. C'est déjà le cas chez les jeunes. Il y a six ans, un tiers des jeunes pratiquants se trouvaient sur les bancs anglicans. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'un cinquième, et 41 % d'entre eux assistent à la messe catholique (voir graphique ci-dessus).
 
La pandémie a peut-être été une aubaine pour l'Église catholique. Aidan Geboers, un banquier de 29 ans vivant à Lewisham, dans le sud de Londres, explique que l'enfermement l'a poussé à chercher une communauté. Il l'a trouvée dans l'église de Farm Street, un temple jésuite situé à Mayfair. Le culte des jeunes adultes de Farm Street attire régulièrement environ 180 personnes. « Il y a dix ans, les chiffres auraient pu être deux fois moindres », déclare le père Kensy Joseph, l'un des responsables de la pastorale des jeunes adultes.
 
Pour les jeunes de Grande-Bretagne (et d'ailleurs), le catholicisme semble attirer pour deux raisons opposées. D'une part, la pratique de la contemplation et le dévouement au rituel semblent être un puissant antidote au monde en ligne. Mais l'internet est aussi une voie majeure pour l'évangélisation. L'évêque Robert Barron, fondateur américain d'une organisation médiatique catholique, et le père Mike Schmitz, podcasteur et pasteur de campus, ont accumulé des centaines de milliers d'adeptes sur les médias sociaux. L'évêque Barron célèbre un nouveau « christianisme machiste », où les hommes peuvent être des « héros ».
 
Le romancier Graham Greene a décrit sa foi catholique d'une manière qui pourrait refléter l'attrait qu'elle exerce sur les jeunes pratiquants d'aujourd'hui. C'était « quelque chose de beau, de dur et de certain, même si c'est inconfortable, à saisir dans le flux général ».

Source : The Economist
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mardi 13 mai 2025

États-Unis : Le libre choix de l'école pourrait désamorcer les guerres culturelles

Une cause devant la Cour suprême des États-Unis concernant les droits des parents religieux souligne un problème plus profond : sans choix, les écoles publiques deviennent un champ de bataille de la guerre culturelle sans issue.


La Cour suprême des États-Unis examine actuellement ce qui pourrait être l'affaire la plus importante en matière de liberté religieuse qu'elle aura à examiner au cours de cette législature. Dans l'affaire Mahmoud c. Taylor, des parents religieux représentant diverses confessions poursuivent le district scolaire public du comté de Montgomery (MCPS), dans le Maryland, pour qu'il leur permette d'exclure leurs enfants des discussions sur les livres de l'école primaire portant sur des thèmes tels que la sexualité et le genre.

Lors des plaidoiries, le juge Ketanji Brown Jackson s'est interrogé sur les arguments des plaignants. « J'ai du mal à comprendre comment l'exercice de la religion d'un parent peut être entravé si l'école enseigne quelque chose que le parent désapprouve », a déclaré Mme Jackson. « Vous avez le choix. Vous n'êtes pas obligé d'envoyer votre enfant dans cette école. Vous pouvez les placer dans une autre situation.

En pratique, de nombreuses familles n'ont pas d'alternative éducative viable dans le Maryland. En l'absence d'un choix d'école solide, les familles qui sont les perdantes des affrontements culturels à somme nulle dans les écoles publiques n'ont que peu de recours.

Malgré les affirmations contraires de M. Jackson, la plupart des familles ne peuvent pas simplement placer leurs enfants dans une « autre situation ». Seuls les élèves à faible revenu peuvent bénéficier du bon d'études du Maryland, d'une valeur inférieure à 3 000 dollars pour l'année scolaire 2024-25. Ce montant ne couvrirait qu'une fraction des 14 500 dollars que coûtent en moyenne les frais de scolarité d'une école primaire privée dans le Maryland.

Les lois régissant les transferts d'écoles publiques dans le Maryland sont parmi les moins généreuses du pays. Le Maryland est l'un des quatre États - avec l'Alaska, le Maine et la Caroline du Nord - qui obtiennent 0 point sur 100 sur la feuille de résultats de la Reason Foundation classant les lois sur l'inscription libre dans les écoles primaires et secondaires. Cela signifie que le droit de transfert vers d'autres écoles publiques (en dehors de la zone de captation habituelle des élèves) disposant de places n'est pas codifié dans la législation de l'État.

Même si les districts scolaires limitrophes du MCPS autorisent le transfert de certains de ces élèves, ils peuvent leur faire payer des frais de scolarité, tout comme les écoles privées. Par exemple, les écoles publiques voisines du comté de Frederick et du comté de Howard ont facturé respectivement 9 000 et 12 700 dollars aux élèves transférés d'autres comtés au cours de l'année scolaire 2024-25.

Les écoles à charte sont ces écoles qui reçoivent des fonds publics mais qui fonctionnent indépendamment du système scolaire public établi. Aucune école à charte ne fonctionne actuellement dans le comté de Montgomery (bien que la première soit prévue pour l'automne 2025). Le conseil scolaire s'y est longtemps opposé, suscitant les critiques du conseil de l'éducation du Maryland.

Lorsque le district a annoncé aux familles qu'elles ne pouvaient plus exclure leurs enfants d'âge élémentaire des cours controversés au début de l'année scolaire 2023-24, certains parents ont choisi de retirer leurs enfants du MCPS, ce qui leur a coûté très cher. Une famille a abandonné sa maison et s'est installée chez ses grands-parents pour pouvoir payer les frais de scolarité dans une école privée. Une autre famille a choisi de scolariser à domicile sa fille atteinte du syndrome de Down, sacrifiant ainsi 25 000 dollars de services spéciaux fournis par MCPS.

Il convient de noter que les plaignants dans l'affaire Mahmoud demandent uniquement à ne pas suivre des cours spécifiques qui violent leurs convictions religieuses. Ils n'exigent pas que le district modifie son programme scolaire. Les politiques d'exclusion sont une pratique courante dans l'enseignement public et, dans de nombreux États, les familles peuvent depuis longtemps retirer leurs enfants des cours d'éducation sexuelle.

Cela dit, les défenseurs de la position du juge Jackson n'ont pas tort : Où cela s'arrête-t-il ? Il existe de nombreux autres domaines dans lesquels les écoles publiques pourraient adopter un programme d'études contraire aux croyances religieuses individuelles. Il se peut qu'à un moment donné, il devienne trop contraignant pour les écoles de laisser les familles se retirer de tout ce à quoi elles s'opposent tout en continuant à être inscrites.

D'où la nécessité du choix de l'école. Lorsque les familles n'ont pas d'alternative, les écoles publiques deviennent un champ de bataille. Il devient impossible de satisfaire pleinement une population diversifiée dont les valeurs et les convictions varient.

La Cour devrait se prononcer en faveur des plaignants et laisser les parents se retirer de l'école. Mais les familles ne devraient pas avoir à attendre une décision de la Haute Cour pour avoir le choix en matière d'éducation.

lundi 12 mai 2025

L'écart salarial entre les minorités ethniques et les Blancs a été surestimé d'environ 10 %, selon étude

En 2016, des chercheurs ont constaté que l'écart salarial entre les minorités et les Blancs était surestimé d'environ 10 % parce que, au travail, les non-Blancs avaient tendance à s'adonner davantage aux loisirs, à l'attente, etc.

Ils ont retardé la publication de l'étude de peur que Trump ne l'utilise comme un élément de propagande.

L'écart salarial entre la minorité et les Blancs a été surestimé d'environ 10 % parce que, au travail, les non-Blancs ont tendance à s'adonner davantage aux loisirs, à l'attente et à la recherche d'un emploi.


Toute étude présentant les hommes noirs et hispaniques comme plus paresseux que les Blancs et les Asiatiques ne manquera pas de susciter la controverse.

Un article provocateur des économistes Daniel Hamermesh, Katie Genadek et Michael Burda s'aventure dans ces eaux troubles. Ils suggèrent que l'écart salarial racial bien documenté aux États-Unis est surestimé de 10
% parce que les minorités, en particulier les hommes, passent une plus grande partie de leur journée de travail à ne pas travailler. Après avoir rejeté un certain nombre d'explications plausibles, les auteurs attribuent finalement l'écart à des « différences culturelles » inexpliquées.

Conscients de la sensibilité de ces résultats, les professeurs ont retardé la publication jusqu'à la fin de l'élection présidentielle (en 2017). «
Je savais pertinemment que Trump et ses sbires s'en serviraient à des fins de propagande », explique M. Hamermesh, un économiste du travail haut en couleur et respecté. Le document pourrait toutefois être utilisé par ceux qui sont désireux d'éradiquer le « politiquement correct » et qui sont toujours mécontents des lois antidiscriminatoires actuelles.

La méthode de l'étude est simple. Les données proviennent de près de 36
000 « agendas quotidiens », c'est-à-dire d'autodéclarations sur la façon dont les Américains passent leurs heures de travail, recueillies entre 2003 et 2012. Partant du principe que les travailleurs sont tout aussi honnêtes lorsqu'ils admettent leur paresse, les auteurs calculent la fraction du temps passé hors travail - à se détendre ou à manger, par exemple - et constatent qu'elle varie en fonction de la race dans une mesure faible mais statistiquement significative. L'écart subsiste, bien que sous une forme plus faible, même après l'ajout de contrôles étendus pour la géographie, l'industrie et le statut syndical, entre autres. Les travailleurs masculins non blancs passent 1,1 % de plus de leur journée à ne pas travailler, soit cinq minutes supplémentaires par jour. En supposant que les contrôles soient adéquats, il resterait 90 % de la différence de salaire entre les travailleurs blancs et les minorités ethniques, estimée récemment à 14 %, qui n'est pas expliquée. Il est concevable que cette différence soit le fruit d'une discrimination ou d'un autre facteur.

Il reste périlleux de trouver la cause de ce curieux écart. Selon Philip Cohen, sociologue à l'université du Maryland, le fait que les cadres traitent moins bien les travailleurs issus des minorités peut en soi encourager le relâchement. Les auteurs affirment que ce point est discutable, car les travailleurs indépendants appartenant à une minorité ont un comportement similaire, mais la différence n'est pas statistiquement significative. Une approche expérimentale récente, dans laquelle des caissières de magasins d'alimentation français ont été affectées au hasard à des supérieurs plus ou moins biaisés, a révélé des absences plus nombreuses et un balayage plus lent lorsqu'elles travaillaient sous les ordres des patrons les plus injustes. L'étude aurait démontré que l'élimination des préjugés des supérieurs augmenterait le temps passé au travail par les minorités d'environ 2,5
%.

Malgré l'inconfort du sujet, les auteurs ont tenté une analyse rigoureuse. Les dénonciations n'ont cependant pas tardé. Quelques heures après la publication, M. Hamermesh a reçu des messages vitrioliques et a été qualifié de raciste dans un forum en ligne populaire parmi les économistes. M.
Hamermesh, un progressiste avoué, qui ne fait référence à Donald Trump que par des surnoms amusants et qui a démissionné d'un poste à l'université du Texas en raison d'une loi de l'État autorisant le port d'armes à feu en public, trouve cela injuste. Il note que les Américains travaillent trop. La solution qu'il préfère ne serait pas que certains groupes travaillent plus, mais que d'autres travaillent moins.

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dimanche 11 mai 2025

Inde — les querelles linguistiques y continuent

Le mois dernier, à Bangalore, capitale indienne de la technologie, des spectateurs ont chahuté une vedette pop en exigeant qu'elle chante en kannada, la langue locale. Il les a rembarrés et la police a porté plainte contre lui. À New York, Diljit Dosanjh, acteur et chanteur pandjabi, est arrivé au Met Gala vêtu d'une cape brodée de l'alphabet panjabi, ce qui a été perçu comme une affirmation de fierté linguistique. Au Tamoul Nadou, le ministre en chef a déclaré que les parents devraient donner aux bébés des noms tamouls. Pendant ce temps, le gouvernement central s'efforce de promouvoir l'utilisation de l'hindi à l'échelle nationale. Les locuteurs d'autres langues se rebiffent, comme on pouvait le prévoir.

Les langues sont un sujet sensible dans un pays qui en compte 22 légalement reconnues et des centaines d'autres. C'est aussi la raison d'être de la plupart des États indiens. Lorsque les frontières internes ont été redessinées après l'indépendance, c'est sur la base de critères linguistiques : Le Goujarat pour les locuteurs du goudjarati, le Maharachtra pour les locuteurs du marathi. Certains militants se sont immolés par le feu plutôt que d'être contraints de parler une langue étrangère. Les États du Sud, en particulier, s'irritent depuis longtemps de ce qu'ils considèrent comme des tentatives du Nord d'« imposer » une langue étrangère. Les tentatives d'enseignement obligatoire de l'hindi ont provoqué des agitations dans le sud avant même l'indépendance.

 Les gouvernements, tant au niveau des États qu'au niveau national, persistent dans leur politique linguistique. Les événements qui se déroulent dans le Maharachtra indiquent que cette quête n'est pas fructueuse. L'État a récemment obligé les jeunes élèves à apprendre l'hindi comme troisième langue, avant d'être rapidement contraint de faire marche arrière. Le Maharachtra est dirigé par le Bharatiya Janata Party (BJP), qui est au pouvoir au niveau national et dans la plupart des États du nord où l'on parle l'hindi. Si le parti ne peut imposer sa volonté dans un État qu'il contrôle, quel espoir dans le sud ?

La langue promue par le gouvernement n'est pas non plus une langue parlée par de nombreuses personnes. L'hindi démotique est une langue variée et indulgente, parlée différemment selon les régions du pays. La version sanskritisée promue par le BJP serait analogue à l'arabe standard moderne auquel on aurait ajouté un vocabulaire classique : une invention qui n'a que peu de portée. Non satisfait d'avoir imposé l'hindi à la population, le ministre en chef de l'État de Delhi, gouverné par le BJP, a déclaré la semaine dernière que le sanskrit - dont la langue maternelle est parlée par pratiquement aucune personne - était la langue de l'avenir.

Si l'idée est de donner aux Indiens une langue commune pour communiquer entre eux, elle est contre-productive. Dans le sud, l'hindi est associé à la domination du nord. Le fardeau des politiques linguistiques retombe souvent sur les écoliers ; être obligé d'étudier quelque chose n'inculque pas nécessairement l'amour de cette langue. De toute façon, la promotion de l'hindi semble en contradiction avec d'autres priorités déclarées, telles que les efforts du gouvernement pour créer un traducteur d'IA qui aidera à « transcender les barrières linguistiques ».

Il est indéniable que l'Inde est divisée par ses langues. Mais cela tend à s'estomper. Une étude réalisée par Leena Bhattacharya et S. Chandrasekhar de l'Indira Gandhi Institute of Development Research à Mumbai a révélé que la probabilité que deux Indiens pris au hasard puissent parler une langue commune, sur la base des données du recensement de 2011, était d'environ une sur quatre, contre une sur cinq en 1971. Il n'y a pas eu de recensement depuis, mais le prochain révélera sans doute que la probabilité a augmenté.

L'une des raisons est que l'hindi s'est répandu sans ou malgré les efforts acharnés du gouvernement. L'influence de la culture pop hindoue de Bombay y a contribué, de même que l'utilisation croissante de l'alphabet romain pour les mots hindis dans la publicité et en ligne. La migration des régions pauvres, septentrionales et hindiphones vers le sud prospère y a également contribué. Entre 2001 et 2011, le nombre de locuteurs natifs du tamoul au Tamoul Nadou a augmenté de 14,3 %, en phase avec la croissance de la population (15,6 %). En revanche, le nombre de locuteurs natifs de l'hindi a plus que doublé dans l'État, principalement dans les villes.

Source : The Economist

jeudi 8 mai 2025

Bilan démographique du Québec 2024 : plus de décès que de naissances, taux de natalité et indice de fécondité jamais aussi bas

Depuis 2013, le nombre de naissances diminue à nouveau. En 2023, on estime 77 950 naissances, soit un taux de natalité de 8,8 pour 1 000 habitants. Les données préliminaires pour 2024 indiquent une poursuite de cette tendance à la baisse, avec 77 400 naissances et un taux de natalité de 8,5 pour 1 000 habitants, le plus bas jamais enregistré au Québec depuis le début des statistiques en 1900.  


Un nadir historique pour la fécondité aussi


L’indice de fécondité (ISF) s’établit à 1,33 enfant par femme en 2024, ce qui correspond à un creux historique au Québec. Le précédent creux avait été enregistré en 1987; l’indice était alors descendu à 1,36 enfant par femme.

Cette baisse de la fécondité n’est pas unique au Québec. Elle s’observe également au Canada et dans plusieurs autres pays. La fécondité du Québec demeure légèrement supérieure à la plupart des autres provinces canadiennes (1,01 enfant/femme en Colombie-Britannique, 1,24 au Canada). En 2024, l'ISF  était de 2,86 en Israël en 2024, 1,62 en France, 1,58 aux États-Unis, 1,48 en Australie, 1,43 en Belgique, 1,40 en Russie, 1,29 en Suisse).

 
La population du Québec a augmenté de 155 300 personnes en 2024, pour se situer à 9,11 millions au 1er janvier 2025. Cette croissance est inférieure à la hausse record de 193 400 personnes qu’a connue le Québec en 2023, mais elle demeure l’une des plus élevées jamais enregistrées.

Les migrations internationales, et plus spécifiquement l’immigration temporaire, ont de nouveau été le moteur de cette forte croissance démographique. En revanche, comme on l'a vu plus haut, la fécondité est descendue au niveau le plus bas jamais atteint, et les décès ont surpassé les naissances.


Près de 617 000 résidents non permanents (RNP) étaient présents au Québec au début de 2025

La forte augmentation du nombre de RNP au cours des dernières années porte leur effectif total à 616 600 personnes au Québec au 1er janvier 2025. Au Québec comme ailleurs au Canada, les travailleurs étrangers temporaires constituent le groupe de RNP le plus nombreux :

  • Travailleurs étrangers temporaires : 273 500 (44 %)
  • Demandeurs d’asile : 181 100 (29 %)
  • Étudiants internationaux : 71 100 (12 %)
  • Titulaires de permis de travail et d’études : 59 800 (10 %)
  • Autres types de RNP : 31 000 (5 %)

Le Québec se distingue du fait qu’elle est la province où les demandeurs d’asile sont le plus fortement représentés, et celle où les étudiants internationaux le sont le moins. Il en résulte que selon l’estimation au 1er janvier 2025, le Québec compterait 40 % des demandeurs d’asile présents au Canada, 19 % des travailleurs temporaires et 12 % des étudiants internationaux.

Les gains d’espérance de vie s’essoufflent, comme dans de nombreux pays

L’espérance de vie de la population québécoise s’élève à 82,7 ans en 2024. Les femmes peuvent espérer vivre jusqu’à 84,4 ans et les hommes, jusqu’à 80,9 ans, selon la mortalité de la dernière année. Ces niveaux sont sensiblement les mêmes qu’en 2016.

Après des décennies de hausse, les gains d’espérance de vie montrent ainsi des signes d’essoufflement, une tendance également observée dans de nombreux pays. Malgré une certaine stagnation, l’espérance de vie du Québec reste parmi les plus élevées au monde. Elle est inférieure à celle de certains pays comme le Japon, mais largement supérieure à celle d’autres pays comme les États-Unis. Elle est également plus élevée que celle du reste du Canada.

mercredi 7 mai 2025

Instruction à la maison interdite en France: l’ECLJ saisit le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU

L’école à la maison, qui fut toujours une liberté en France, nécessite désormais une autorisation préalable très difficile à obtenir, à la suite de l’adoption d’une loi en 2021. L’ECLJ (European Centre for Law and Justice) a saisi un Comité de l’ONU pour qu’il rappelle à la France que les parents sont les premiers responsables de l’éducation et de l’instruction de leurs enfants.

École à la maison en France : bref état des lieux

Cette année en France, l’école à la maison, également appelée instruction en famille (IEF) est toujours pratiquée pour plus de 30.000 enfants. Au lieu de scolariser les enfants dans un établissement public ou privé, l’IEF consiste à instruire les enfants à la maison, très généralement par l’un des parents et plus rarement par les deux ou un tuteur.

Alors que cette pratique de l’école à la maison était encore en France jusqu’à il y a peu, une liberté fondamentale, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République voulue par Emmanuel Macron a radicalement restreint les possibilités de poursuivre ce mode d’instruction. Cette loi impose la scolarisation dans une établissement, public ou privé, et ne permet qu’il soit dispensé en famille que par dérogation. Une dérogation qu’il faut demander et obtenir chaque année de l’Éducation nationale. C’est là tout le nœud des difficultés pour tous les parents pratiquant l’instruction en famille : justifier d’un des quatre motifs limitativement énumérés par la loi pour obtenir le droit de faire l’école à la maison. En trois ans d’application, cette loi a déjà démontré son impact délétère : le nombre d’enfants en IEF a été divisé par deux.

Une affaire emblématique

C’est de cette situation grave que l’ECLJ vient de saisir le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Dans une requête individuelle déposée vendredi 11 avril 2025, l’ECLJ représente les parents d’une jeune fille de 3 ans à l’époque des faits, Noémie*, qui a été empêchée de bénéficier de l’instruction en famille avec sa grande sœur, sans qu’aucune justification ne soit donnée aux parents.

Les parents faisaient pourtant depuis plusieurs années l’école à la maison et avaient été plusieurs fois positivement contrôlés par les inspecteurs de l’académie. Soucieux de la baisse du niveau dans les écoles publiques et souhaitant passer plus de temps avec leur (très) jeune Noémie, ils firent une demande auprès de l’académie, conformément à la loi.

Leur parcours judiciaire est tout simplement ubuesque, comme pour beaucoup d’autres familles. Ils ont d’abord reçu une réponse négative de l’Académie puis une deuxième réponse négative de la Commission+ de l’Académie, suite à un recours administratif préalable. Ils ont ensuite saisi le juge administratif qui leur a donné raison, et a autorisé l’instruction en famille de leur fille. Cependant, l’Éducation nationale fit appel, et alors que l’année scolaire se terminait, la Cour administrative d’appel annula la décision du premier juge, et confirma le refus d’autoriser Noémie de bénéficier de l’instruction en famille.

Sauf que, entre le mois de mars et de mai, les parents avaient refait une demande d’autorisation pour faire l’école à la maison avec Noémie l’année suivante. Et alors même que la Cour administrative d’appel était saisie par l’Éducation nationale, celle-ci autorisa Noémie à faire l’école à la maison pour l’année suivante. Cela n’a aucun sens. Cette affaire est la preuve même que les refus ou autorisations donnés par l’Éducation nationale ont un caractère arbitraire et imprévisible. De nombreuses familles l’ont vécu : de manière incompréhensible, certaines obtiennent l’autorisation une année, mais pas l’année suivante, sans qu’il n’y ait de justification claire de l’administration publique.

Requête individuelle auprès du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

C’est un des éléments que nous dénonçons dans la requête que nous avons déposée auprès du Comité des Nations unies. Noémie a fait l’objet d’une décision arbitraire et imprévisible. Elle a également subi une discrimination intrafamiliale, puisque sa grande sœur elle, a eu l’autorisation de faire l’école à la maison, alors qu’elles sont toutes deux dans des situations similaires.

Surtout, cette restriction du droit à l’instruction en famille est par nature contraire au droit international et il appartient à ce Comité d’avoir le courage de le rappeler. En effet, l’article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule clairement que :

Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge.
C’est bien la famille qui a la responsabilité de l’éducation des enfants qui en sont membres. S'ils scolarisent leurs enfants dans des établissements publics, les parents choisissent volontairement de déléguer à l’État leur compétence en la matière. Or, le système légal français actuel prive indûment les parents de cette responsabilité. Ce sont des fonctionnaires, qui ne connaissent pas Noémie ni les autres enfants, qui jugent sur dossier de l’intérêt de l’enfant d’être instruit en famille ou non, et qui impose leur choix aux parents, sans se justifier.

De plus l’article, l’article 13 de ce même Pacte stipule que :

Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics […] et de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.

Le nouveau régime d’autorisation, qui impose aux parents de se justifier de leur choix ne respecte pas, par définition, « la liberté des parents ».

En outre, les parents ont certes le choix de l’établissement scolaire pour leurs enfants et ne peuvent pas être obligés d’inscrire leurs enfants dans un établissement public, mais les établissements privés étant moins répandus et parfois très chers, l’école à la maison est parfois la seule alternative pour les parents « de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions. » Par conséquent, si le droit de faire l’école à la maison n’est pas garanti, les parents sont de fait forcés de mettre leurs enfants dans des établissements publics dont l’enseignement n’est pas nécessairement conforme à leurs convictions.

C’est en substance ce que défend l’ECLJ dans sa requête individuelle pour Noémie. Nous demandons au Comité de condamner la France pour l’atteinte à la liberté des parents et au droit à l’éducation de Noémie qui est certainement mieux garanti par ses parents que par l’école publique française.

Reste qu’une décision rapide de ce Comité contre la France sera difficile à obtenir, car il est saisi de nombreuses demandes. C’est avant tout aux députés et sénateurs d’agir pour garantir les droits parentaux et nous espérons que l’exemple de cette requête y contribuera. À cette fin, l’ECLJ invite les parents ayant été déboutés par les juridictions nationales et souhaitant agir auprès de cette instance onusienne, à nous contacter.

* Prénom modifié.

Source : ECLJ

France — Les incidents graves sont plus élevés dans l’enseignement public que dans le privé subventionné

Selon une enquête gouvernementale de la DEPP, les signalements d’incidents graves sont plus élevés dans le secteur public que dans le secteur privé sous contrat.

Ces incidents graves sont très majoritairement des atteintes aux personnes, notamment verbales et, dans une moindre mesure, des atteintes aux biens ou à la sécurité. Les élèves sont les principaux auteurs d’incidents graves, notamment dans le second degré. Les victimes sont plus souvent des personnels dans le premier degré et des élèves dans le second degré.

Au cours de l’année scolaire 2023-2024, 16 incidents graves pour 1 000 élèves ont été signalés dans les collèges et lycées et 5 incidents graves pour 1 000 élèves dans les écoles.




mardi 6 mai 2025

La France et l’Union européenne de Bruxelles peuvent-elles vraiment attirer les chercheurs américains  ?

Macron et von der Leyen à la Sorbonne

Alors que Trump redéfinit les priorités de recherche américaines, l'Union européenne semble s'empresser de capter ce qu'elle appelle les meilleurs talents mondiaux. Dans une nouvelle requête, Trump a demandé au Congrès de réduire de 37 % les dépenses des Instituts américains de la santé (NIH) et de plus de 50 % celles de la Fondation nationale pour la science (NSF). La seule université Columbia a déclaré début mars qu'elle avait perdu 400 millions de dollars de financement fédéral.

Cette mesure, selon le gouvernement, vise à « réorienter les investissements » vers des domaines prioritaires, comme l'IA, l'énergie quantique et nucléaire, et à « mettre fin aux dépenses scientifiques [dites] woke ».
Dans ce contexte, l'UE vient d'annoncer un plan de « super subventions » de 500 millions d'euros pour attirer les scientifiques impactés par les récentes modifications du financement fédéral. Macron et von der Leyen ont présenté l'Europe comme une nouvelle frontière pour l'innovation et la liberté académique. Plus de 380 subventions américaines liées aux programmes DEI (discrimination anti-hommes blancs) ont été supprimées. L'Europe y voit une occasion à saisir et offre des fonds importants et des portes ouvertes.


À la Sorbonne, la présidente de la Commission européenne et le président français ont respectivement annoncé 500 et 100 millions d’euros pour faire venir des scientifiques touchés par les coupes budgétaires aux États-Unis.

Les difficultés de chercheurs américains face à l’ Administration Trump , qui a demandé au Congrès des coupes brutales de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le budget de la recherche fédérale, vont-elles faire le bonheur de la France et de l’Europe ? C’est en tout cas ce que semblaient espérer lundi matin à la Sorbonne, la présidente de la Commission européenne,  Ursula von der Leyen , et le président Emmanuel Macron lors de la conférence « Choose Europe for Science ». L’un et l’autre ont largement insisté pour faire de l’Europe un refuge des libertés universitaires, le président de la République concluant son discours par un solennel « appel de la Sorbonne qui s’adresse à tous les esprits libres ».

Avant cela, il avait rappelé avec emphase et grandiloquence que « personne ne pouvait penser que cette très grande démocratie du monde, dont le modèle économique repose si fortement sur la science libre, allait faire une telle erreur », avant d’ajouter que, sur les trois dernières décennies, la recherche américaine avait été plus efficace que la recherche européenne, parce qu’elle favorisait la liberté universitaire et respectait l’autorité des savoirs. Qualifiant au passage de « démocratie liquide » les régimes dans lequel l’absence de hiérarchie des savoirs empêche de démêler le vrai du faux : « Refusons un diktat (qui) interdit de chercher ceci ou cela (…) parce que là, à chaque fois aussi, ce sont les progrès de notre humanité qui sont remis en cause. »

Une « nouvelle enveloppe de 500 millions d’euros »

« Les collègues américains sont en effet sidérés par la violence et la rapidité avec lesquelles les choses se mettent en place, commente le président du CNRS, Antoine Petit . Un certain nombre s’interrogent et bien au-delà des domaines ciblés par l’Administration de Donald Trump. Mais le choix de partir n’est pas un choix facile. À nous de fournir les conditions pour accueillir les meilleurs. » L’État va ainsi investir 100 millions d’euros supplémentaires pour attirer en France des chercheurs étrangers, et tout particulièrement des Américains. De son côté,  Ursula von der Leyen  a annoncé une « nouvelle enveloppe de 500 millions d’euros » pour la période 2025-2027 pour l’Union européenne. Des montants certes importants, mais qui paraissent dérisoires quand on les compare aux baisses programmées aux États-Unis. Selon la première ébauche de budget présentée le 2 mai par la Maison-Blanche, le simple budget des instituts américains de la santé (NIH) qui pilote la recherche biomédicale devrait perdre 18 milliards de dollars, pour arriver à 27 milliards.

L’initiative n’est pas sans rappeler le programme « Make our planet great again » lancé en 2017 par  Emmanuel Macron (le nom en anglais le confirme), qui avait l’ambition de convaincre quelques scientifiques américains spécialistes des questions climatiques de venir en France. « On a constaté que cette initiative, dans un contexte de pénurie de la recherche française, n’avait pas permis d’attirer de grandes stars, commente le président du Collège des sociétés savantes académiques de France, Patrick Lemaire. Nous avions su faire venir des bons chercheurs, certes, mais pas les têtes de laboratoire. Il est difficile de penser que cela soit différent cette fois, il faut encore voir comment la situation va évoluer aux États-Unis. Mais la solidarité internationale ne doit s’arrêter ni aux stars, ni aux USA. Le sort des jeunes chercheurs post-doctoraux aux USA est plus préoccupant que celui des stars, et la situation de la recherche dans certains pays est autant ou plus inquiétante que celle aux États-Unis. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, sur les 30.000 connexions à la plateforme Choose France, seul un tiers viennent des États-Unis. »

Réveil stratégique

Le président français, Emmanuel Macron, a nommé dix chantiers prioritaires sur lesquelles l’Union européenne devrait « investir massivement. » Citant pêle-mêle en matière de santé, la recherche sur les maladies infectieuses, la vaccinologie ou les zoonoses ; dans le domaine du spatial, les missions lunaires, ou encore le « domaine quantique » et l’intelligence artificielle. Avant lui, Ursula von der Leyen avait, elle, appelé les États membres à « atteindre à moyen et long terme », l’objectif de 3 % du PIB pour l’investissement dans la recherche et le développement d’ici à 2030. « Force est de constater que le compte n’y est pas en France, où nous stagnons à 2,2 % depuis plusieurs années », commente Antoine Petit.

Le manque d’investissements pour la recherche en France est peut-être la plus grande limite de cette conférence. « Le discours est utile et juste sur le fond, analyse Serge Abiteboul, membre de l’Académie des sciences et directeur de recherche émérite à l’Inria. Mais il n’y a pas beaucoup d’éléments concrets et sans, a minima, une sanctuarisation du pourcentage du PIB dédié à la recherche, je ne vois pas comment ces ambitions peuvent être suivies de faits. »

De nombreux scientifiques ont pu y voir une redite du discours très volontariste sur la recherche, prononcé en décembre 2023 à l’Élysée, mais suivi, dans les six mois, par une baisse drastique des crédits. « La recherche publique dans le pays n’atteint même pas le 1 % du PIB, note  Patrick Lemaire. Non seulement la recherche est globalement sous financée, mais certaines disciplines sont particulièrement défavorisées, ce qui constitue une entrave à la liberté universitaire pourtant louée à juste titre dans le discours du président lundi matin. »

Voir aussi

En France, le wokisme fait de la résistance (voir l'importance des budgets de l'Union européenne dans la recherche française et l'alignement des critères d'allocation avec ceux du wokisme anglo-saxon).

Accueil des universitaires américains à Aix-Marseille : ils travaillent principalement en sciences humaines et sociales