dimanche 21 décembre 2025

« Non, la science n’a pas démontré qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre immigration et délinquance »

Une note publiée par un centre de recherches rattachée à Matignon, reprise dans l’émission Complément d’enquête (capture d’écran ci-dessous), assure que, d’après la science, on ne peut établir de lien entre immigration et délinquance. Philippe Lemoine, directeur de la recherche à l’observatoire Hexagone et chercheur invité à Georgetown (Washington, É-U), critique cette affirmation.


L’immigration augmente-t-elle la délinquance en France et plus généralement en Europe ? Pour  Arnaud Philippe et Jérôme Valette, deux économistes qui ont écrit une note pour le CEPII  (un centre de recherche placé auprès du Premier ministre) sur le sujet en 2023, la cause est entendue : les études sur le sujet « concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance ».

Le message semble d’ailleurs avoir été reçu cinq sur cinq par la plupart des lecteurs de cette note. Par exemple, au cours d’un récent épisode de Complément d’enquête, le magazine d’investigation diffusé sur France 2, une journaliste cite la note du CEPII à l’appui de son affirmation selon laquelle le «  lien de causalité entre étrangers et insécurité n’existe pas  », ajoutant même que « c’est la science qui le dit ». Le problème c’est que, n’en déplaise aux journalistes de Complément d’enquête et aux auteurs de cette note du CEPII, « la science » ne démontre rien de la sorte.

D’abord, il est faux que les études sur la question concluent « unanimement » et « sans ambiguïté » à l’absence d’effet de l’immigration sur la délinquance, comme l’écrivent faussement Philippe et Valette. Il existe en effet plusieurs études qui utilisent précisément le type de méthodes permettant d’établir un effet causal de l’immigration dont ils parlent dans leur note et qui trouvent pourtant  un effet de l’immigration sur la délinquance, non seulement sur les atteintes aux biens, mais parfois aussi sur les atteintes aux personnes.

La vérité est que les résultats dans  la littérature scientifique, loin d’être sans ambiguïté, sont au contraire très contrastés : il est vrai que beaucoup d’études ne trouvent pas d’effet, mais d’autres en trouvent un. Parfois des études différentes aboutissent même à des conclusions différentes alors qu’elles portent sur le même pays à la même époque. La note du CEPII, qui se veut pourtant une revue de la littérature, en présente donc un portrait trompeur.

Les données individuelles sur les auteurs de délit montrent non seulement en France, mais partout en Europe que les immigrés et leurs enfants, du moins ceux qui sont originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, sont mis en cause ou condamnés pour des délits à des taux plusieurs fois supérieurs à ceux du reste de la population. Contrairement à ce que suggèrent Philippe et Valette dans leur note, cela reste vrai même quand on les compare à  des individus sans ascendance migratoire de même âge, sexe et avec des caractéristiques socio-démographiques identiques.

Les biais dans  la police  et  le système judiciaire  pourraient expliquer une partie de cette surreprésentation, mais il est totalement invraisemblable qu’ils puissent l’expliquer en totalité. Personne de sensé ne peut croire que, si les ressortissants de pays africains sont mis en cause dans les affaires de vols avec violence sans arme à un taux plus de 6 fois supérieur à celui des Français, c’est uniquement ou même principalement parce que les forces de police et de gendarmerie sont biaisées contre eux.

samedi 20 décembre 2025

À Paris, l’inexorable chute du niveau dans les très bons lycées publics

Depuis la réforme d’Affelnet en 2021, l’origine sociale compte autant que les notes, si ce n’est plus, pour intégrer un établissement réputé. Et les résultats ont considérablement baissé. Affelnet (Affectation des élèves par le Net) est la plateforme informatique du ministère de l'Éducation nationale français qui gère l'affectation centralisée des collégiens de 3e dans les lycées publics (seconde générale, technologique, professionnelle ou CAP) en fonction de leurs vœux, résultats scolaires, critères sociaux et localisation géographique, grâce à un algorithme qui classe les élèves pour leur attribuer une place dans un établissement à la rentrée

L’indice de positionnement social utilisé pour organiser la mixité scolaire augmente les candidatures des élèves des collèges défavorisés et pèse sur les résultats des lycées élitaires. 

Lycée Charlemagne. En 2025, Charlemagne s’est ainsi tout juste maintenu dans le top 100 du classement du Figaro Étudiant.

Condorcet, Charlemagne, Lavoisier, Sophie-Germain, Fénelon… Dans l’esprit des familles parisiennes attachées à l’école publique, ces noms riment encore avec réussite scolaire. Des lycées prisés pour leur exigence et leurs bons résultats.

Pourtant, la situation a bien changé depuis 2021 et la réforme d’Affelnet, cette plateforme de répartition des élèves de 3e vers le lycée. Le recteur de l’académie de Paris et chef d’orchestre de la réforme, Christophe Kerrero, l’avait du reste annoncé : le problème, c’était les « lycées de niveau» (comprendre, les établissements élitistes et attractifs). Puisqu’ils engendraient une « anxiété généralisée », le rectorat entendait introduire davantage de mixité sociale et scolaire dans les établissements de la capitale.

Objectif atteint : entre 2019 et 2023, la « ségrégation sociale » a baissé de 49 %, et la « ségrégation scolaire » de 39 % dans les lycées publics parisiens, selon le bilan du comité de suivi de la réforme de mars 2024. Mais cette mixité scolaire, et l’accueil d’élèves au niveau plus hétéroclite, présentés de manière positive par le rectorat, ont conduit à une baisse du niveau des meilleurs lycées publics parisiens. Une crainte exprimée au moment de la réforme par une partie des parents d’élèves et des enseignants des lycées les plus prestigieux.

Pourquoi l'Angleterre, berceau du multiculturalisme, fait-elle officiellement marche arrière ?

Alors que les Anglais sont de plus en plus hostiles envers l'immigration, le gouvernement de Keir Starmer décide de les apaiser en pondant une réforme digne des partis dits « d'esstrême-droite ».

Pourquoi l'Angleterre, berceau du multiculturalisme, fait-elle officiellement marche arrière ?

Décryptage


Études (n = 400) — Correcteurs biaisés à l'encontre des garçons

L’école se veut le lieu par excellence de la méritocratie, où les élèves sont évalués uniquement sur la base de leurs compétences et de leurs efforts. Pourtant, une étude publiée en 2020 dans la revue scientifique Economics of Education Review par l’économiste Camille Terrier met en lumière une réalité plus dérangeante : les pratiques d’évaluation des enseignants ne sont pas toujours neutres et tendent, en France, à désavantager les garçons. 

Une étude fondée sur la comparaison entre notation anonyme et notation classique

Pour mener son analyse, Camille Terrier s’appuie sur un ensemble de données particulièrement riche, portant sur plus de 4 000 élèves suivis de la classe de sixième à la troisième dans 35 collèges français, majoritairement situés dans des zones socialement défavorisées.

L’originalité de la démarche réside dans la comparaison entre deux types d’évaluations :
  • des épreuves corrigées à l’aveugle, c’est-à-dire anonymement, par des correcteurs extérieurs ne connaissant ni l’identité ni le genre des élèves ;
  • des notes attribuées par les enseignants, dans le cadre habituel de la classe, où l’identité des élèves est connue.
Cette double source permet d’isoler l’effet propre des pratiques d’évaluation des enseignants, indépendamment du niveau réel des élèves.

Un désavantage net pour les garçons en mathématiques

Les résultats sont sans équivoque. Lorsque les copies sont corrigées à l’aveugle, les performances des filles et des garçons sont comparables. En revanche, dès lors que les enseignants savent à qui ils attribuent une note, un écart apparaît.

En mathématiques, les garçons reçoivent des notes inférieures à celles des filles pour un niveau de compétence identique. L’écart atteint 0,259 écart-type, ce qui correspond à un avantage d’environ 5 % en faveur des filles dans la notation non anonyme.

Ce biais, loin d’être anecdotique, s’accumule au fil des années. Sur l’ensemble du collège, il conduit à une progression plus lente des garçons, avec une perte estimée à 0,123 écart-type par rapport aux filles. À lui seul, ce mécanisme explique jusqu’à 6 % de l’écart de performance observé entre les deux sexes en fin de collège.

Des effets durables sur les trajectoires scolaires

L’étude montre que ces biais d’évaluation ne se limitent pas à des différences de notes ponctuelles. Ils influencent également les choix d’orientation des élèves.

Les meilleures notes obtenues par les filles en mathématiques — en partie dues au biais d’évaluation — augmentent leur probabilité de s’orienter vers des filières scientifiques au lycée. À l’inverse, si les notes reflétaient strictement les compétences mesurées par les évaluations anonymes, l’avantage des garçons dans ces filières serait plus marqué, de l’ordre de 12,5 % supplémentaires.

Ainsi, des écarts initialement modestes dans la notation contribuent à façonner des parcours scolaires différenciés, avec des conséquences potentielles sur l’accès aux études supérieures et aux carrières scientifiques.

Des biais liés aux attentes et aux stéréotypes

Comment expliquer ces écarts ? L’étude suggère que les enseignants, le plus souvent sans en avoir conscience, peuvent être influencés par des attentes différenciées selon le genre.

Certains comportements plus fréquents chez les garçons — agitation, prise de parole jugée excessive, moindre conformité aux normes scolaires — peuvent être interprétés négativement et se traduire par une évaluation plus sévère, y compris lorsque le niveau scolaire est équivalent. Il ne s’agit donc pas d’un favoritisme volontaire, mais de biais implicites, profondément ancrés dans les représentations sociales.

La notation anonyme comme levier d’équité

L’un des enseignements majeurs de cette recherche est la supériorité, en matière d’équité, de la notation à l’aveugle. En supprimant toute information sur l’identité des élèves, cette méthode permet de recentrer l’évaluation sur les seules compétences scolaires.

Déjà utilisée pour certains examens nationaux ou concours, sa généralisation dans les évaluations scolaires pourrait contribuer à réduire les inégalités de traitement entre filles et garçons, mais aussi à renforcer la confiance des élèves dans la justice du système éducatif.

Repenser l’évaluation pour garantir l’égalité


L’étude de Camille Terrier invite à une remise en question profonde des pratiques d’évaluation à l’école. Elle rappelle que l’égalité des chances ne dépend pas uniquement des programmes ou des moyens alloués, mais aussi de mécanismes plus discrets, comme la manière dont les performances sont jugées.

Former les enseignants à la reconnaissance de leurs biais implicites, développer la notation anonyme et repenser les critères d’évaluation constituent autant de pistes pour faire de l’école un espace réellement équitable, où les trajectoires scolaires reflètent les compétences réelles plutôt que des attentes genrées.

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vendredi 19 décembre 2025

Licenciement du correspondant de longue date du Devoir à Paris : Christian Rioux s'explique

Lettre de Christian Rioux (ci-contre) où il explique son congédiement du Devoir :  

Vous êtes nombreux à vouloir connaître le détail de mon congédiement, car il s’agit bien d’un congédiement.

Vous vous doutez que depuis le changement de direction, je n’étais pas dans les grâces de la nouvelle équipe. Cela s’est rapidement manifesté par de petits signes qui ne trompaient pas.

Des papiers qui normalement faisaient la une se retrouvaient dans le fond du journal, mes grandes entrevues n’intéressaient plus la rédaction (« Toi et tes intellectuels français ! », dixit la rédactrice en chef Marie-Andrée Chouinard). [Très mal, les intellectuels…]

Il y a trois ou quatre ans, pour la première fois, on me refuse de couvrir les élections britanniques et allemandes comme je l’avais pourtant fait sans discontinuer depuis les années 1990. C’est à cette époque que la rédactrice en chef a décidé de resserrer son contrôle sur les chroniqueurs.

On m’a par exemple refusé une chronique sur le changement de nom des Dix petits nègres d’Agatha Christie. C’était un mois exactement avant que ce débat n’éclate au Québec avec la suspension de Verushka Lieutenant-Duval à l’Université d’Ottawa.

Il y a deux ans, ce contrôle s’est encore resserré virant en une sorte de guérilla permanente. Il me fallait dorénavant justifier chaque mot. Impossible d’évoquer un « baiser volé » dans un texte sous peine de se voir accusé de justifier les agressions sexuelles.

Impossible de rappeler que dans de nombreux pensionnats autochtones, les religieuses enseignaient les langues autochtones sans devoir tout justifier.

Le Devoir se montre alors plus sensible aux petits groupes de militants qui me harcèlent sur les réseaux sociaux qu’à soutenir son journaliste. Ce harcèlement me vaudra trois poursuites devant le Conseil de presse en un peu plus d’un an (que j’ai toutes gagnées) alors que je n’en avais jamais eu une seule depuis que je suis journaliste.

Lors de la dernière, alors qu’on m’accuse d’entretenir des préjugés (racistes), Le Devoir a refusé de me soutenir en appel et j’ai donc dû me défendre seul contrairement à la tradition qui veut qu’un journal défende toujours son journaliste. J’ai heureusement gagné.

C’est le même genre de censure qui explique le départ en catastrophe de Normand Baillargeon à qui on avait demandé de réécrire de manière plus « politiquement correcte » une de ses chroniques sur la théorie du genre et les trans.

Ce harcèlement s’est accentué avec la mise en place d’un groupe de « fact checking » qui est aussi en partie un comité de censure destiné à remettre les chroniqueurs dans la droite ligne. Comme par hasard, sous prétexte d’éthique, ce « fact checking » s’exerce minutieusement sur tous les textes qui concernent l’islam, l’immigration ou le genre, mais à peu près pas sur ceux qui concernent la politique française, la culture ou l’Union européenne.



Depuis un an, je suis convaincu qu’on n’attendait qu’une chose, que je claque la porte moi aussi. Et on a tout fait pour. À commencer par m’interdire de couvrir les dernières législatives françaises.

Pour l’anniversaire de l’attentat du Bataclan, on a commandé dans mon dos un article à un pigiste sans m’en informer. Il y a un mois, je décroche une entrevue exceptionnelle avec l’ex-otage israélien Eli Sharabi qui a passé 18 mois dans les tunnels du Hamas, on me la refuse ! Elle ne cadrait pas dans la politique pro-Hamas du journal.

À quelques reprises, on s’est même permis de faire des corrections majeures dans ma chronique sans m’en avertir, y introduisant même parfois des erreurs.

Last but not least, depuis trente ans, tel que convenu avec l’ancien directeur Bernard Descôteaux, ma rémunération avait toujours suivi grosso modo celle des journalistes du Devoir. À chaque nouvelle convention, on me versait donc une rétro comme à mes collègues. Cette année, on a supprimé unilatéralement ces versements sans la moindre explication.

Je réalise aujourd’hui que l’annonce de la décision de me congédier n’attendait probablement que la reconduction de Brian Myles à la direction du journal pour cinq ans et la fin de la campagne de financement qui vient de se clore.

Une semaine avant Noël, c’est aussi pas mal pour étouffer l’affaire.

On me l’a donc annoncée mardi en prétextant mes « mauvais rapports avec les correcteurs ». Comme si un journaliste était en plus tenu d’avoir de bons rapports avec ses censeurs !

Lors de cette rencontre, on m’a proposé d’acheter mon silence en échange de deux mois de rémunération et de la signature d’un contrat dans lequel je m’engagerais à ne rien dire sur le Devoir. Moi qui n’ai jamais signé le moindre contrat avec Le Devoir en trente ans, tellement la confiance entre nous était forte ! 


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Natalité : taxe sur les préservatifs et contraceptifs en Chine

La Chine impose une taxe à la vente de 13 % sur les préservatifs et contraceptifs à partir de janvier 2026, finissant une exonération en vigueur depuis 1993, pour contrer le déclin démographique avec un taux de natalité en chute de 50 % depuis 2000.

Ce segment de l'émission "Le Monde à la Carte" sur LCI analyse les causes du faible taux de fécondité chinois (1,09 enfant par femme en 2024) et les mesures incitatives du gouvernement, comme des subventions pour naissances multiples.

Une mère se plaint du coût lié à l'éducation des enfants, son enfant serait en CM2 (10-11 ans) et elle a « dû » lui payer un tuteur particulier d'anglais.

Des experts doutent de l'efficacité de cette taxe, soulignant que les facteurs socio-économiques (coût de la vie, urbanisation) pèsent plus que l'accès à la contraception, selon des études de l'ONU sur les dynamiques démographiques.

 

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Corée du Sud — les garderies en anglais sont du gaspillage et néfastes au développement de votre enfant

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Démographie — Les jeunes Chinois se tournent vers les agent conversationnels virtuels

En manque de bébés, la Chine annonce de nouvelles aides aux jeunes parents

Les économies avancées d’Asie ont désormais des indices de fécondité inférieurs à ceux du Japon

Le système éducatif de l'Inde est-il à l'origine des problèmes du sous-continent ? (système souvent anglophone comparaison avec la Chine)

Corée — « la concurrence intense, particulièrement dans l'éducation » une des causes de la sous-fécondité, selon le président

Corée du Sud : la surchauffe éducative, l'implosion démographique

Aucun lien causal entre l’immigration et la délinquance ? Vraiment ?

Une note du CEPII, publiée en 2023,  affirme qu’il n’existe aucun lien causal entre l’immigration et la délinquance. Cette note, qui a récemment refait surface dans une émission particulièrement controversée, Complément d’enquête, diffusée sur le service public mais visant à pointer du doigt les prétendues dérives de la chaîne concurrente CNews, a suscité une vive polémique.
 
Le chercheur invité à Georgetown, Philippe Lemoine, répond à cette publication : il propose un tour d’horizon détaillé des données disponibles en Europe sur la question, soulignant les limites des études économétriques tout en révélant des vérités souvent ignorées.
 
Il commence par réfuter l’affirmation centrale de Philippe et Valette, les auteurs de la note CEPII, qui soutiennent que aucune étude ne trouve d’effet de l’immigration sur la délinquance. Selon lui, c’est faux, et il va plus loin : il suggère que ces deux économistes savent pertinemment que leur assertion ne tient pas face à la littérature existante. 

Il cite des exemples concrets, comme des études menées en Allemagne, en Grèce ou encore en Suède, qui montrent un impact mesurable, notamment en lien avec certains flux d’immigration, en particulier ceux d’immigrés peu qualifiés originaires d’Afrique et du Moyen-Orient.
 
En s’appuyant sur des données individuelles concernant les auteurs de délits, Lemoine met en lumière une surreprésentation constante des immigrés et de leurs enfants dans les statistiques criminelles à travers toute l’Europe. Cette surreprésentation peut atteindre des taux jusqu’à trois fois supérieurs à ceux du reste de la population, même après avoir ajusté les chiffres pour tenir compte de facteurs comme l’âge, le sexe ou le niveau de revenu. Cela vient directement contredire les explications socio-économiques avancées par Philippe et Valette, qui attribuent ces écarts à la pauvreté ou à l’exclusion sociale. 
 
Mais Lemoine ne s’arrête pas là. Il explore pourquoi les études économétriques basées sur des données agrégées échouent souvent à détecter cet effet. Il pointe du doigt un problème de puissance statistique : les flux d’immigration, bien que significatifs, restent relativement faibles par rapport à la population totale, rendant ces analyses peu fiables. Pour illustrer son propos, il a conduit des simulations calibrées avec des données françaises. Ces simulations révèlent un fait troublant : même dans un scénario extrême où les immigrés commettraient des crimes violents à un taux 30 fois supérieur à celui des non-immigrés, une analyse économétrique de ce type ne détecterait un effet que dans à peine plus de la moitié des cas, soit 56 %. Dans des conditions plus réalistes, reflétant les flux d’immigration observés en France sur plusieurs décennies, la probabilité de détecter un effet s’effondre presque à zéro, même s’il est réel et important.
 
Il ajoute que cette faiblesse statistique est amplifiée par d’autres facteurs, comme l’hétérogénéité des populations immigrées (les immigrés d'origine européenne ne sont pas surreprésentés), souvent ignorée dans ces études, ou les adaptations sociales (les gens peuvent davantage se méfier, se protéger, des dépenses sociales supplémentaires) qui peuvent masquer l’impact réel. 

Lemoine souligne aussi que Philippe et Valette évoquent des biais dans le système pénal pour expliquer la surreprésentation des immigrés, mais il conteste cette idée : selon lui, ces biais ne peuvent expliquer qu’une fraction de l’écart, et aucune preuve solide n’est apportée pour soutenir une explication plus large.

Enfin, il critique l’hypothèse selon laquelle la pauvreté serait la cause principale de cette surreprésentation. Même en comparant des immigrés (et leurs enfants) à des autochtones partageant des caractéristiques socio-économiques similaires, les écarts persistent, comme l’a montré une étude française menée par Hugues Lagrange sur un échantillon de 3 500 adolescents
Lemoine rappelle que la corrélation entre pauvreté et criminalité ne prouve pas une causalité directe : d’autres facteurs, peut-être liés à des dynamiques culturelles ou contextuelles, pourraient être en jeu. 

Et il conclut avec une pointe d’ironie : on ne peut pas affirmer à la fois que l’immigration n’a aucun effet sur la délinquance et que les populations défavorisées, dont font souvent partie les immigrés, ont une propension plus élevée à commettre des crimes. Une contradiction qui, selon lui, mérite d’être creusée bien au-delà des studios d’une émission comme Complément d’enquête.


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Les descendants d'immigrés extra-européens présentent bien souvent des taux de criminalité plus élevés que ceux de leurs parents.

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Suède — Des enfants exécutent une vague de meurtres sous contrat alors que les gangs exploitent une faille dans la loi

Dix raisons de remettre en cause l'immigration légale en France

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Et si la diversité diminuait la confiance ?

Étude — Baisse de « solidarité » corrélée à l’augmentation du nombre d’étrangers

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Racialisation de la justice : un Amérindien invoque ses origines pour écoper d'une peine moins lourde

jeudi 18 décembre 2025

Histoire vraie de l'ère woke : l'affaire Yi-Fen Chou

En 2015, une controverse inattendue secoue le milieu littéraire américain et relance le débat sur les préjudices raciaux, conscients ou non, qui traversent les institutions culturelles. Au cœur de cette affaire se trouve Michael Derrick Hudson, poète américain blanc originaire de Fort Wayne, dans l’Indiana, et son poème au titre foisonnant : The Bees, the Flowers, Jesus, Ancient Tigers, Poseidon, Adam and Eve.

Un poème rejeté… puis accepté sous pseudonyme

Avant d’être remarqué, le poème de Hudson avait essuyé environ quarante refus de la part de revues littéraires lorsqu’il était soumis sous son véritable nom. Lassé par ces échecs répétés, l’auteur décide d’adopter un pseudonyme à consonance asiatique, Yi-Fen Chou, inspiré du prénom d’une connaissance d’origine chinoise.
Michael Derrick Hudson alias Yi-Fen Chou

Soumis sous cette nouvelle identité, le même poème est accepté par la prestigieuse revue Prairie Schooner, publication reconnue dans le paysage poétique américain. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais elle prend une dimension nationale lorsque le texte est ensuite sélectionné par Sherman Alexie, écrivain amérindien de renom, pour figurer dans l’anthologie The Best American Poetry 2015.

La révélation et le scandale

C’est Hudson lui-même qui révèla la supercherie. Dans une note adressée aux contributeurs de l’anthologie, il expliqua avoir utilisé ce pseudonyme pour contourner ce qu’il percevait comme une série de rejets injustifiés. Cette révélation déclencha immédiatement une vive polémique.

Sherman Alexie reconnut publiquement que le nom asiatique de l’auteur ait pu jouer un rôle dans sa perception initiale du poème. Il précisa toutefois que son choix reposait aussi sur la qualité littéraire du texte. Cette admission, loin d’apaiser les tensions, alimenta un débat plus large sur la place de l’ethnie ou de l'identité raciale dans les processus de sélection artistique.

Une condamnation quasi unanime

La réaction dominante du monde littéraire est sévère à l’égard de Hudson. Celui-ci est accusé de manipulation, de tromperie et d’appropriation identitaire. En revanche, peu de voix institutionnelles s’élèvent pour interroger de manière approfondie les biais potentiels des comités éditoriaux ou les critères implicites qui auraient pu favoriser un texte en fonction du nom de son auteur.

Ce déséquilibre dans les réactions est souligné par plusieurs observateurs : l’auteur est largement blâmé, tandis que le système de sélection lui-même fait l’objet de peu d’autocritique officielle.

Des conséquences durables pour l’auteur

Après cet épisode, Michael Derrick Hudson disparaît pratiquement de la scène littéraire dominante. Il est ostracisé par une partie du milieu et ne retrouve pas la visibilité qu’il avait brièvement obtenue. Aucune réforme notable des pratiques éditoriales n’est annoncée à la suite de l’affaire, et aucun mea culpa institutionnel majeur n’émerge du scandale.

L’affaire Hudson est solidement documentée. Elle a été couverte par des médias de référence, notamment le New York Times en septembre 2015, et figure dans les archives publiques, y compris sur Wikipédia (anglais), dont la page consacrée à l’auteur est régulièrement mise à jour. Les éléments clés — les nombreux rejets initiaux, l’acceptation sous pseudonyme et la sélection dans Best American Poetry 2015 — sont confirmés par des sources concordantes.

En revanche, les interprétations qui en découlent varient fortement. Certains y voient la preuve de politiques implicites de discrimination positive ou de quotas identitaires dans le monde littéraire ; d’autres estiment qu’il s’agit d’un cas isolé, instrumentalisé à des fins idéologiques. Ces lectures relèvent du commentaire social et politique, non du fait brut.

Une affaire révélatrice

Dix ans plus tard, l’affaire Michael Derrick Hudson demeure un symbole des tensions qui traversent les institutions culturelles contemporaines : entre quête de diversité, exigences d’équité et soupçons de biais inversés. Si les opinions restent profondément polarisées, un point fait consensus : l’épisode est réel, documenté et révélateur des fragilités d’un système où l’identité de l’auteur peut parfois peser aussi lourd que son œuvre.
 
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Les contes de Noël publiés aujourd’hui diluent voire effacent les valeurs chrétiennes

Pourquoi est-il important de lire des contes aux enfants ?

Les contes véhiculent un imaginaire qui permet de structurer leur intelligence et leur apprend à construire leur univers intérieur. Parce qu’ils placent d’emblée le récit hors du temps, hors de la réalité, les contes ont la vertu de stimuler l’imagination de l’enfant, de lui montrer que le champ des possibles est ouvert devant lui, et de le pousser ainsi à grandir, à devenir adulte. On voit malheureusement se développer toute une littérature destinée aux enfants qui consiste essentiellement à explorer des problèmes psychologiques auxquels ils peuvent être confrontés. C’est un dévoiement de la lecture, parce qu’on les prive dans ces livres de la dimension imaginaire, si structurante à leur âge.

Quels sont les ingrédients d’un bon conte de Noël ?

Comme dans tous les contes, il faut qu’il délivre une morale qui élève l’enfant. Pour Noël, cette morale est par essence chrétienne. Et il faut de belles illustrations, car l’image est pour les enfants une porte d’entrée dans la lecture. À Noël, cette nécessité de créer une ambiance qui fasse rêver et donne envie de lire est plus importante encore, car c’est une période de l’année où la vue est très sollicitée, on le voit bien avec les illuminations dans les rues, les vitrines de Noël… C’est le moment par excellence où l’on peut toucher les enfants par de beaux livres illustrés.


Les contes de Noël sont-ils en voie de disparition ?

De nombreux contes liés à Noël continuent d’être publiés chaque année. Ce qui, en revanche, est en voie de disparition, c’est le conte de Noël traditionnel, celui qui est pétri de traditions chrétiennes. Dans les contes de Noël publiés aujourd’hui, ces valeurs chrétiennes sont très souvent diluées, voire effacées. Seule persiste la connotation positive de Noël. On continue d’y trouver l’idée du don de soi, souvent d’ailleurs à travers les cadeaux qui sont une tradition païenne, l’idée de convivialité, de rassemblement, d’esprit de famille qui disent quelque chose de ce qu’est l’amour.

La génération sacrifiée à la « diversité »

Dans The Lost Generation, Jacob Savage analyse comment les politiques de diversité, équité et inclusion (DEI) ont profondément transformé les carrières des hommes blancs millénariaux (nés entre 1981 et 1996) dans les élites professionnelles américaines — en particulier dans les médias, le milieu universitaire et Hollywood — à partir d’environ 2014

Selon Savage, ces politiques n’ont pas simplement rééquilibré les chances d’avancement : elles ont, de manière systématique, bloqué l’accès aux postes de prestige pour une génération entière d’hommes blancs, créant ce qu’il appelle une « génération sacrifiée ». Contrairement aux baby-boomers et à la génération X qui avaient déjà consolidé leurs carrières, les millénariaux blancs se sont heurtés à des barrières croissantes au moment où ils cherchaient à s’établir professionnellement.

Savage situe un tournant décisif en 2014, lorsque la DEI est devenue institutionnalisée dans de nombreuses industries. Alors que les hommes blancs plus âgés, déjà en place, ont été relativement préservés du changement, les jeunes hommes blancs ont vu les portes se fermer autour d’eux.

Des chiffres frappants dans plusieurs secteurs

Médias et télévision
  • En 2011, les hommes blancs représentaient 48 % des scénaristes télé à Los Angeles, mais ce chiffre est tombé à 11,9 % en 2024.
  • À The Atlantic, le personnel éditorial est passé de 89 % blanc et 53 % masculin en 2013 à 66 % blanc et 36 % masculin en 2024.
  • Depuis 2020, seuls 7,7 % des stagiaires au Los Angeles Times sont des hommes blancs.
Universités
  • À Harvard, la proportion d’hommes blancs dans les postes menant à la titularisation en sciences humaines est passée de 39 % en 2014 à 18 % en 2023.
  • À Brown, parmi 45 embauches récentes en sciences humaines et sociales, seuls 3 étaient des hommes blancs américains (6,7 %).
  • À Yale, parmi les 76 professeurs en voie de titularisation, seuls 6 (7,9 %) sont des hommes blancs.
Industrie du divertissement

Savage note aussi que, sur une décennie, les nominations aux Oscars comme scénaristes ont largement favorisé les hommes blancs de la génération X (plus de 50 nominations de 2014 à 2023) contre seulement 6 pour les millénariaux blancs. 

Témoignages personnels qui illustrent le phénomène

Certaines expériences individuelles mises en avant par Savage montrent l’impact humain de ces tendances :
  • Ethan, un chercheur progressiste, a eu du mal à décrocher un poste universitaire malgré un solide CV. Partout, on lui a demandé des déclarations DEI et d’orienter ses recherches autour de la race pour être considéré.
  • Andrew, dans les médias, raconte qu’il s’était vu promettre un poste important, puis qu’il a vu ce poste attribué à une personne plus jeune et « diversifiée », laissant entendre une préférence institutionnelle.
  • Matt à Hollywood, attribue la situation à des hommes blancs plus âgés qui ont consolidé leurs réseaux, empêchant l’émergence de jeunes talents de la même origine.
Savage raconte son propre parcours à Hollywood : après des années à écrire des scénarios tout en survivant grâce à des petits boulots, il a vu sa seule véritable opportunité lui échapper parce que les cadres de l’industrie estimaient qu’un groupe de scénaristes « trop blanc » risquait de nuire à l’image de diversité recherchée par les studios.

Certaines figures publiques ont dénoncé ces pratiques comme potentiellement illégales. Andrea Lucas, présidente de la EEOC (Commission pour l’égalité des chances en emploi), a qualifié ces politiques de discrimination, appelant ceux qui s’estiment lésés à se manifester. De même, Harmeet Dhillon, aide-procureur générale, a encouragé les plaintes formelles contre des pratiques d’embauche biaisées.

Des études externes, comme celle de ResumeBuilder.com en 2022, montrent qu’environ 1 recruteur sur 6 a été encouragé à déprioriser systématiquement les hommes blancs, ce qui alimente l’argument selon lequel certains processus de recrutement privilégient l’identité au détriment des qualifications. 

The Lost Generation présente le récit d’une génération d’hommes blancs millénariaux éloignée de l’accès aux professions les plus influentes, non pas à cause d’un manque de compétences ou d’efforts, mais parce que des politiques de DEI, devenues omniprésentes après 2014, ont réorienté de manière décisive la distribution des opportunités.

Savage conclut que cette exclusion, combinée à une culture qui stigmatise toute critique du système, a créé un profond ressentiment silencieux, qui pourrait contribuer à certaines évolutions sociales et politiques récentes observées parmi les jeunes hommes blancs aux États-Unis.