vendredi 25 avril 2025

Mathieu Bock-Coté : Qui est Mark Carney ?


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Mark Carney accusé de plagiat pour sa thèse de doctorat de 1995 à Oxford

Canada — Mark Carney patine, bafouille et trébuche sur des questions simples liées au genre

Carney maintient le cap Trudeau en ce qui a trait aux traitements chimiques et chirurgicaux des enfants qui se disent trans

Le Premier ministre canadien Mark Carney a invité à son conseil un confondateur de l'Initiative du Siècle

Sondage (n=1500) — Près des 2/3 des Canadiens contre le triplement de la population du Canada d'ici 2100 (le plan de l'Initiative du Siècle)

Le chef libéral Mark Carney a été accusé de s'approprier les idées des autres au cours de la campagne électorale fédérale (en anglais, Globe and Mail)

Les Britanniques avertissent que le nouveau premier ministre canadien a une « touche Midas inversée ». La réputation de Mark Carney en tant que gouverneur de la Banque d'Angleterre est plus entachée qu'il ne le laisse entendre (en anglais, National Post)

Tenir compte des avertissements sévères de la Grande-Bretagne à l'égard de Mark Carney. La presse britannique tant de gauche que de droit s'est montrée beaucoup plus critique à l'égard de notre nouveau premier ministre que la nôtre.  (en anglais, National Post)

 

jeudi 24 avril 2025

Cette censure, il l’appelle démocratie. L’historien Pierre Rosanvallon en appelle à la censure d’un peuple en révolte.

Texte de Mathieu Bock-Côté paru dans le Figaro du 19 avril.

Pierre Rosanvallon est depuis près de cinquante ans une figure majeure de l’intelligentsia française, et c’est vers lui que Le Monde s’est tourné pour justifier l’exécution judiciaire de Marine Le Pen, et défendre les tribunaux qui ont mené la charge. Sa thèse tenait à peu près en une formule : la légitimité démocratique des magistrats est plus grande que celle des élus. Plusieurs ont pu s’étonner : l’éminent penseur considère donc vraiment que la démocratie a bien davantage à voir avec le droit et les juges qui l’interprètent qu’avec la souveraineté populaire, qu’il réduit à la forme d’un peuple arithmétique, addition de volontés individuelles arbitrairement rassemblées par un rituel usé, pouvant se dissoudre au rythme du mouvement des humeurs travaillées par les démagogues ? Rien de tout cela, toutefois, ne devrait nous surprendre, car Rosanvallon, présenté comme un grand théoricien de la démocratie, a consacré une partie importante de son oeuvre à la détacher de la figure du peuple, qu’il a depuis longtemps décrété introuvable - c’est d’ailleurs pour cela qu’il a été consacré grand théoricien.

Revenons-y : compagnon de route de la deuxième gauche, et longtemps occupé à refonder intellectuellement l’état-providence, Pierre Rosanvallon, dès le début des années 1990, se lance dans une grande enquête sur l’histoire de la démocratie, qu’on dit alors triomphante, et dont la définition ne lui semble pourtant plus aller de soi. Son travail, documenté, fouillé, recherché, sans le moindre doute, repose toutefois sur une idée étonnante : le peuple, en démocratie, serait introuvable, insaisissable. Il faudrait certes postuler son existence, au nom du droit reconnu à la société de s’autoproduire, de s’auto-instituer, à condition de reconnaître immédiatement qu’il n’existerait pas vraiment, sauf à travers, le système de représentation qu’on met en place pour l’apercevoir, ou même le construire. Il se matérialiserait ainsi à travers la société civile organisée, les différentes autorités administratives, ou encore les tribunaux, censés incarner la continuité institutionnelle dans le temps. On pourrait y voir une forme de corporatisme de gauche. À sa manière, Rosanvallon a repris la logique argumentative de la contre-révolution, pour l’investir d’un contenu progressiste.

On retrouvait là, évidemment, le présupposé épistémologique de toutes les gauches : la société n’est qu’une « construction sociale ». La société n’est pas construite à partir de réalités anthropologiques, mais à partir d’une projection philosophique, presque d’un plan d’ingénieur, même si elle se construit ensuite au fil de temps, par couches de sédimentation institutionnelle successives. Le peuple n’est pas antérieur à sa mise en forme institutionnelle. On y revient : Rosanvallon a tout fait pour relativiser le moment électoral de la démocratie, comme s’il s’agissait de sa forme primitive, sans jamais parvenir à le congédier totalement. Le peuple électoral, soumis à toutes les manipulations, doit être bridé ou, du moins, neutralisé. Chaque fois qu’on le consulte, il peut surprendre, démanteler l’œuvre du temps. Il peut sortir des consensus dans lesquels on l’invite à se reconnaître, et qui sont censés correspondre à ce qu’on a autrefois osé appeler le cercle de la raison. Il en est de même du référendum, qui peut toujours servir, hypothétiquement, mais dont on limitera l’usage et la portée. Il permet aux mauvaises humeurs de s’exprimer, aux démagogues et aux agitateurs de rejoindre l’opinion. Le peuple tiendrait bien davantage dans le foisonnement institutionnel censé l’incarner que dans l’expression d’une volonté majoritaire peu convaincante, même vulgaire.

Il y a un autre oublié chez Rosanvallon : la définition culturelle, ou même identitaire, du peuple. C’est pourtant ce peuple qui, dans l’histoire, peut surgir pour former de temps en temps un nouvel État indépendant. C’est aussi ce peuple, que je nomme le peuple historique, qui, en Europe, se lève aujourd’hui contre l’immigration massive, effrayé à l’idée de devenir minoritaire chez lui. Sans surprise, il trouve lui aussi sur son chemin des démographes et des sociologues pour lui expliquer qu’il n’existe pas. De ce point de vue, il y a une convergence profonde entre le travail de Pierre Rosanvallon, celui de Patrick Boucheron et d’Hervé Le Bras. Le premier a nié le peuple démocratique, le second le peuple historique, le troisième le peuple démographique. Cela nous rappelle que les sciences sociales entendent moins révéler le réel que d’en confisquer la représentation, en construisant un écran pour empêcher de l’apercevoir. Derrière leur jargon se cache une volonté démiurgique, celle de décréter le réel ou de l’abolir.

Et pourtant, le peuple existe, et il accueille généralement assez mal la savante démonstration de son inexistence, et la poursuite d’une politique ouvertement anti-majoritaire. Alors il se révolte. C’est ce qu’on appelle le populisme. Nous entrons dans une période insurrectionnelle, qu’il faut mater. Rosanvallon constate ainsi que «la démonisation du populisme n’a désormais plus aucun effet ». C’est faux, mais l’aveu est intéressant : il y a eu diabolisation du contradicteur, et d’une part importante de la population, ce qui n’est pas conforme à l’éthique de la conversation civique. Il faut alors plus que jamais verrouiller le débat public. Citons-le : « Il faut donc instaurer une vigilance du langage et poursuivre sans relâche les voleurs de mots et les trafiquants d’idées ». C’est ce qui se passe lorsqu’on trace un cordon sanitaire contre les mauvais partis et qu’on multiplie les délits d’opinion pour empêcher les mauvaises idées de circuler. C’est ici que Rosanvallon retrouve la fonction stratégique qui est la sienne dans le dispositif intellectuel français : point de convergence entre la gauche radicale et l’extrême centre, il en appelle à la censure d’un peuple en révolte. Cette censure, il l’appelle démocratie. 

Illustration du wokisme : les deux versions de Mulan par Disney

En comparant les scénarios du premier « Mulan » sorti en 1998 et celui de la nouvelle mouture sortie 2020, Samuel Fitoussi  montre comment l’influence du wokisme a rendu les rôles de femme dans la fiction insipides et antipathiques.


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mercredi 23 avril 2025

Pape François : Un pontificat de confusion ?


Pour Laurent Dandrieu de Valeurs Actuelles, élu pour remettre de l’ordre dans l’Église catholique, François la laisse plus divisée et troublée que jamais. Non sans avoir profondément renouvelé son visage.

La renonciation surprise de Benoît XVI, le 28 février 2013, avait laissé l’Église en plein désarroi : outre qu’elle la plaçait dans une situation inédite depuis 1415, elle était l’aboutissement d’une série de crises qui faisaient de la réorganisation de l’Église la mission prioritaire du nouveau pape. Cette nécessité fut l’une des clés de l’élection, non moins inattendue, de François. Douze ans plus tard, à la mort du pape argentin, le désarroi n’est pas moindre, et l’Église n’apparaît pas vraiment en meilleur état qu’au début d’un pontificat prodigue en polémiques, qui a été avant tout source de profondes divisions et de nombreuses confusions. Tentons ici l’esquisse d’un bilan.

Une personnalité complexe et difficile

Inconnu du grand public à son élection, Jorge Mario Bergoglio a suscité au début de son pontificat ce qu’il faut bien qualifier de “Franciscomania”. En affichant simplicité et humilité, parlant un langage direct de curé de campagne, n’hésitant pas à décrocher son téléphone pour répondre aux demandes de simples fidèles, François a su se rendre immédiatement populaire – popularité particulièrement marquée auprès des non-catholiques et des médias, pourtant généralement hostiles à l’Église. Télérama célébrait « un pape qui dépote», le Point « un pape sans la pompe». Le tableau s’est pourtant rapidement contrasté. Si les premiers essais publiés saluaient Un pape pour tous, le Pape des pauvres ou même François, la divine surprise, quelques années plus tard pouvaient paraître un essai à succès sur le Pape dictateur, quand un autre dénonçait au contraire une Françoisphobie. En cause, une politique clivante, mais aussi un caractère et une gouvernance beaucoup moins doux qu’on ne l’avait auguré. Le soir de son élection, un prélat de la Curie, en entendant son nom place Saint-Pierre, fit un malaise, tant il avait eu l’occasion de tester sa brutalité. Bipolaire, imprévisible, autoritaire, François était coutumier des colères homériques et même ses soutiens reconnaissaient qu’il faisait régner au Vatican un « climat de terreur ». Ses vœux annuels aux cardinaux étaient devenus une habituelle volée de bois vert. Ce sera l’une des clés de sa succession : l’envie profonde, au sein de la Curie, d’élire un successeur au caractère plus aimable et bienveillant.

Pauvreté et pouvoir

Ce pontificat aura été profondément marqué par une plus grande attention pour ce que François appellait les « périphéries de l’existence», pour la pauvreté matérielle, spirituelle ou existentielle. Dès son accession au trône de Pierre, François, qui a emprunté son nom de pape au « poverello», François d’Assise, ancien riche qui s’était dépouillé de tout, a rêvé à voix haute d’une « Église pauvre pour les pauvres ». François avait joint le geste à la parole en refusant d’occuper le spacieux appartement papal au profit d’une suite plus modeste à la résidence Sainte-Marthe, où évêques et laïcs de passage pouvaient le croiser à la machine à café, et en adaptant un mode de vie très simple, où prière et travail occupaient tout son temps. C’est une évidence : le pape François n’avait aucune attirance pour les biens de ce monde. Détachement qui n’excluait pas un véritable goût du pouvoir, qui se traduisit par une incapacité notable à déléguer et à faire confiance, et par l’habitude de gouverner seul.

Un exercice personnel du pouvoir

C’est l’un des nombreux paradoxes de François : il aura passé un temps considérable à réformer la curie, tout en se passant très largement d’elle pour gouverner. La réorganisation de l’Église, qui aura essentiellement constitué en une simplification de l’organigramme, aura été presque universellement jugée décevante – y compris par le pape, qui ne sera pas gêné pour critiquer l’inefficacité de la nouvelle organisation de la communication romaine, qu’il avait pourtant lui-même mise en place… Au quotidien, François n’aura cessé de passer par-dessus cette Curie censée l’assister, publiant ses textes sans consulter les experts, multipliant les annonces que les principaux concernés apprenaient par les médias. C’est seul, entouré d’un petit cercle de fidèles, qu’aura gouverné ce pape qui avait pourtant érigé en grand projet de son pontificat la synodalité, c’est-à-dire une gouvernance décentralisée de l’Église. Cette synodalité aura constitué l’un des principaux champs de bataille du règne, certains y voyant l’avenir d’une Église plus simple et plus proche des fidèles, l’autre la voie d’un inéluctable déclin, d’une confusion doctrinale et d’un affadissement du message d’une Église trop soucieuse de se concilier les bonnes grâces de l’opinion et de s’aligner sur l’air du temps. Le paradoxe est en tout cas patent : cette politique de décentralisation aura été lancée au cours du pontificat le plus autoritaire et le plus centralisé depuis le XIXe siècle, qui n’aura cessé de priver les évêques de nombre de leurs prérogatives, rapatriées à Rome, comme sur la question traditionaliste.

La guerre au traditionalisme

C’est l’un des points où la rupture avec Benoît XVI fut la plus nette. Par son motu proprio Summorum Pontificum de 2007, celui-ci avait mis fin à la stigmatisation des traditionalistes et remplacé la guerre liturgique par l’enrichissement mutuel des rites. Son credo, énoncé en 2008 à Lourdes : « Nul n’est de trop dans l’Église.» En annulant ce texte au profit du motu proprio Traditionis Custodes de 2021, François avouait au contraire son intention d’éradiquer cette mouvance, soupçonnée de constituer une Église dans l’Église. En caricaturant au passage le traditionalisme en nostalgie obscurantiste, ignorant la recherche de spiritualité et de sacralité dont elle témoigne, l’attirance pour sa liturgie de nombreux jeunes, comme les nombreuses conversions et vocations qu’elle suscite. Une défiance qui s’étendit jusqu’aux évêques suspects de bienveillance à l’égard de cette mouvance, comme le montra la démission exigée en 2024 par le pape de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, pourtant le plus dynamique et le plus missionnaire des diocèses de France. Hostilité qui témoignait, de la part du pape, d’une forme d’idéologisation et de sacralisation de la pastorale post-Vatican II, en dépit de son bilan catastrophique, au risque de vouloir casser le peu de choses qui portent du fruit dans l’Église.

Une Église en voie de rétrécissement

Car les statistiques ne sont guère encourageantes. Si la proportion de catholiques dans la population mondiale reste stable (17,5% en 2022), le nombre de prêtres (- 3% en 10 ans) et surtout de séminaristes (- 11%) ne cesse de décroître : l’essor en Afrique et en Asie ne suffit plus à compenser le déclin des autres continents. Dans Pape François. La révolution (Gallimard), le vaticaniste du Figaro Jean-Marie Guénois souligne : « Les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI semblent avoir poussé et maintenu plus de monde dans les églises et dans les séminaires que le pontificat de François, plus clivant à beaucoup d’égards, peu amène pour les clercs, plus social et moins religieux.»

Une communication erratique

François avait la parole facile et imagée, et se faisait comprendre de tous, ce qui avait le mérite de rapprocher de l’Église des gens rebutés par son côté élitiste et intellectualisant. L’inconvénient était que son goût pour l’improvisation et les formules à l’emporte-pièce, les interviews données à des journalistes amis mais hostiles à l’Église, publiées sans jamais être relues, les conférences de presse dans les avions à l’issue de voyages harassants, ont multiplié les faux-pas, les déclarations démenties dès le lendemain, les polémiques inutiles et les raccourcis médiatiques, introduisant une atmosphère de confusion qui a lassé jusqu’à ses plus fidèles soutiens. Et d’autant plus dommageable qu’elle ne s’est pas limitée au domaine de la communication, mais a aussi affecté la clarté du discours sur la foi, suscitant des polémiques théologiques comme l’Église n’en avait plus connu depuis les années 1960.

Une Église profondément divisée

Jamais, dans l’histoire contemporaine, les divisions au sommet de l’Église n’auront ainsi été étalées au grand jour. À plusieurs reprises, des prélats de premier plan (les cardinaux Müller, Burke, Sarah ou Pell) ont, de manière plus ou moins feutrée (le cardinal Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a un jour taxé le pape François de « barbarie théologique»), attaqué des initiatives du pape ou des textes publiés par le Vatican avec son aval, sur des sujets aussi divers que la famille, la théologie morale, la synodalité ou l’immigration. En cause : une confusion noyant la sûreté doctrinale dans des formulations floues visant à flatter l’opinion, une remise en cause de l’héritage théologique et moral de Jean-Paul II et de Benoît XVI, une tentation d’aligner les positions de l’Église sur les évolutions sociétales contemporaines, une pastorale qui, pour se vouloir miséricordieuse, ferait fi de la doctrine et serait comprise par la plupart des fidèles comme une disparition de la notion même de péché – le journaliste athée Eugenio Scalfari, interlocuteur privilégié du pape qu’il a interviewé à plusieurs reprises, l’a ainsi félicité d’« avoir aboli le péché». Le comble a été atteint lors de la publication, en décembre 2023, de Fiducia supplicans, le texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi autorisant la bénédiction des couples homosexuels, qui a suscité l’opposition publique de nombreuses conférences épiscopales et de l’Afrique entière. Du jamais-vu dans l’histoire de l’Église.

La défense de la vie
 
Sur un domaine pourtant, la défense de la vie de la conception à la mort naturelle, François a défendu les positions de l’Église avec fermeté, n’hésitant pas à employer des mots qui choquent pour réveiller les consciences : rappelant à des nombreuses reprises que l’avortement « est un homicide», allant jusqu’à comparer les médecins qui le pratiquent à des « tueurs à gages» ou évoquant à propos de l’euthanasie une « culture du rebut ». Ses détracteurs notent pourtant qu’en dépit de ces fermes déclarations, François ne s’est jamais précipité pour soutenir les défenseurs de la vie et que, que ce soit au sein de l’épiscopat américain ou par son lâchage de l’ancien archevêque de Paris Mgr Aupetit sur la foi de simples rumeurs, il a constamment mis des bâtons dans les roues des évêques les plus en pointe sur ces sujets.

Les abus sexuels

Même ambiguïté sur ce sujet ô combien brûlant, où le pape n’a cessé d’alterner dénonciations virulentes et attitudes plus ambiguës, allant jusqu’au soutien obstiné à des personnalités mises en cause, ou même convaincues de tels abus. Le voyage de François au Chili, en 2018, tourna ainsi au fiasco, à cause d’une phrase du pape balayant les accusations contre un prélat, soupçonné d’avoir protégé un prédateur, comme autant de « calomnies» (l’évêque en question, Mgr Barros, devra plus tard démissionner). Cette même année, un scandale avait éclaté lorsqu’il était apparu que l’un des conseillers de François, le cardinal américain McCarrick, était l’auteur d’agressions sexuelles pour lesquelles il avait été sanctionné par Benoît XVI. Dans la foulée, un site américain avait écrit, citant une source vaticane, que la réticence du pape à sanctionner divers prédateurs avait été la cause de sa rupture avec le cardinal Müller. Fin 2022, on révélait qu’un jésuite et célèbre mosaïste, le père Rupnik, ami du pape François, était accusé d’agressions sexuelles sur des religieuses : motif pour lequel il avait été excommunié en mai 2020 – excommunication levée le même mois. Or la seule autorité légitime pour lever ainsi une excommunication est celle du pape… Ledit père Rupnik vivrait aujourd’hui dans un couvent qu’il partage avec d’autres jésuites… mais aussi des religieuses !

La promotion des femmes

Les féministes lui reprochent certes de ne pas en avoir fait assez, en refusant de changer la politique constante de l’Église réservant la prêtrise aux hommes, ou en n’ouvrant pas le dossier du diaconat féminin : reste qu’on peut porter au crédit de François d’avoir ouvert comme jamais les postes de responsabilité aux femmes, nommées à la tête des dicastères (ministères) vaticans ou à des responsabilités importantes à la curie, tandis que les religieuses se voyaient ouvrir les portes du synode.

Écologie et pandémie

L’encyclique du pape sur l’écologie, Laudato si’, restera comme son texte le plus marquant, source d’inspiration pour nombre de jeunes chrétiens. Si cette insistance de François sur l’écologie a beaucoup contribué à sa popularité, beaucoup y ont vu aussi l’un des signes de la transformation progressive de l’Église en une simple ONG focalisée sur des thèmes très horizontaux, par des discours guère différents de ce que l’on peut entendre dans les différentes instances de gouvernance mondiale. L’attitude du pape face la pandémie de Covid-19 aura suscité, à ce titre, de profondes réticences dans le monde catholique : là où l’on attendait une lecture spirituelle permettant de redonner une espérance et profitant de cette crise pour bousculer le rapport des sociétés modernes à la mort, l’Église de François s’est contentée de relayer des consignes hygiénistes, se comportant en simple supplétive de l’OMS et avalisant le fait que la messe soit considérée comme une activité “non-essentielle”… Un paradoxe de plus pour un pape qui n’aura cessé de défendre la piété populaire, tout en condamnant la messe en latin, l’encens et les beaux ornements liturgiques, et en laissant l’un de ses proches déclarer que l’attachement à la messe relevait d’une forme « d’analphabétisme spirituel»…

La pomme de discorde de l’immigration

« Notre théologie est une théologie est une théologie de migrants», déclarait le pape François dès les premières pages de son livre Politique et Société. Le sujet, là encore très horizontal, aura accaparé la parole et l’énergie du pape comme aucun autre. Défendant l’accueil des migrants sans souci du bien commun, ni des conséquences culturelles, économiques et sociales, sécuritaires ou même religieuses de l’immigration de masse, ni même de l’intérêt réel à long terme des migrants ou de leurs pays d’origine, François aura fait du droit à migrer une sorte d’impératif catégorique sous forme de martèlement obsessionnel, et du migrant une sorte de figure rédemptrice – allant jusqu’à faire remplacer l’image du Christ, sur un crucifix du Vatican, par un gilet de sauvetage… Mêlant sans arrêt charité et politique, il n’aura cessé de condamner les politiques visant à maîtriser les flux migratoires et de culpabiliser les opinions occidentales en les taxant d’égoïsme et de racisme. En diabolisant l’attachement légitime des peuples à leur continuité historique, il aura commis une faute pastorale majeure, en détournant de l’Église des pans entiers de l’opinion européenne.

Une diplomatie contestée

Comme Emmanuel Macron, François a souvent voulu faire de la diplomatie par-dessus la tête de ses diplomates – avec des résultats guère plus heureux. Les relations avec la France auront d’ailleurs été tendues, à cause de la volonté insistante du pape qu’aucun de ses trois passages sur le territoire national n’apparaisse comme une visite officielle en France. La grande affaire diplomatique du pontificat de François aura été la normalisation des relations avec la Chine communiste, à travers un accord secret conclu en 2018, négocié par le cardinal Parolin, qui reconnaît à Pékin un droit de regard sur les nominations d’évêques. L’accord a été vivement critiqué par l’ancien archevêque de Hong Kong, Mgr Zen, comme une trahison de l’Église catholique clandestine. Il n’a en tout cas pas mis fin aux persécutions antichrétiennes du régime. Sur la question ukrainienne, les initiatives intempestives du pape auront réussi à mécontenter les deux parties. Sur le plan du dialogue interreligieux, la déclaration cosignée par François et l’imam d’Al-Azhar en février 2019 à Abu Dhabi, reconnaissant « la pluralité des religions» comme « une sage volonté divine »), a horrifié nombre de théologiens, dont le franciscain Thomas Wainandy, membre de la Commission théologique internationale, qui a dénoncé « une subversion doctrinale» qui « sape les fondements mêmes de l’Évangile ». En 2017, le même théologien avait écrit au pape une lettre où il lui reprochait d’entretenir « une confusion chronique » et de « dévaloriser la doctrine de l’Eglise ».

Et demain ?

Le pape a profondément renouvelé le collège des cardinaux : 80 % des électeurs du futur pape auront été nommés par lui. Est-ce à dire que le successeur de François sera son clone ? Pas forcément, car ses nominations furent souvent des “coups de cœur”, impulsifs, qui pouvaient profiter aussi à plus conservateurs que lui. Si des noms de papabili circulent bien évidemment (parmi lesquels le Philippin Tagle, le Hongrois Erdő, le Suédois Arborelius ou le Français Aveline), il faut se rappeler que rien n’est plus incertain qu’un conclave, rencontre sous haute tension d’hommes venus du monde entier et qui ne se connaissent guère, voire pas du tout. Où manœuvres de factions, enjeux psychologiques et questions de fond s’entrechoquent pour un résultat imprévisible. Une seule chose est certaine : s’il veut enrayer le déclin de l’Église, le nouveau pape devra lui donner un nouvel élan missionnaire. Outre l’indispensable réconciliation entre chrétiens, celui-ci ne semble pouvoir passer que par un discours plus clair, plus cohérent, plus lisible, et surtout plus spirituel, réaffirmant avec une netteté sans ambiguïté la spécificité du message catholique et la véritable révolution qu’il a pour mission d’apporter aux hommes : l’amour du Christ, qui leur ouvre la porte de la vie éternelle.

Voir aussi

Mort du pape : comment François a-t-il réconcilié les non-croyants avec l’Église ? (ses positions sur l’environnement ou encore l’accueil des exclus, le pape François a contribué, en douze années de pontificat, à casser certains préjugés sur l’Église catholique selon La Croix).

Immigration — Faute de fonds, Québec met sur pause le projet de construction de 10 nouvelles écoles


France — Le Retour en grâce des internats

[Le milliardaire français] Pierre-Édouard Stérin a promis d’accompagner la fondation de dix nouveaux internats d’excellence en France. Première de la série, l’Académie Saint-Louis, située en Sologne au domaine de Chalès, ouvrira ses portes en septembre prochain. À l’heure du « MeToo » scolaire et des scandales qui entachent l’image de certaines pensions, ce projet est-il visionnaire ou anachronique ?

3,6 % des élèves du second degré étudient dans un internat.


Quatre-vingts familles ont bravé les polémiques et les kilomètres samedi dernier pour découvrir l’internat qui accueillera peutêtre leur garçon à la rentrée prochaine. Sous un ciel nuageux, face à l’étang de 40 hectares qui élargit les regards, les futurs collégiens et leurs parents visitent les différents bâtiments enfoncés dans les bois : une poignée de maisons, un château du XIXe siècle, un théâtre de 400 places, un gymnase de 2 000 m2, un réfectoire à l’orée des arbres et une nature omniprésente. L’enthousiasme contamine les groupes bigarrés qui sillonnent les allées. Très vite, un ballon de football réchauffe l’ambiance entre ces jeunes qui ne se connaissent pas, venus pour moitié des environs – Orléans, Vierzon ou Bourges – ou de plus loin, certains même de Narbonne ou de Montauban, profitant d’attaches familiales à proximité.

mardi 22 avril 2025

Coran européen, les dessous du projet financé par Bruxelles

L’Union européenne de Bruxelles subventionne à hauteur de 10 millions d’euros un programme de recherche qui vise à explorer l’influence du Coran sur la culture et la religion en Europe au cours du dernier millénaire.

L’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler décrypte un projet dont les ressorts sont plus militants que scientifiques et qui pourrait servir la rhétorique des Frères musulmans. Docteur en anthropologie et présidente du Cerif (Centre européen de recherche et d’information sur le frérisme), Florence Bergeaud-Blackler a notamment publié « Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête » (Odile Jacob, 2023), récemment paru en poche.

LE FIGARO. — Qu’est-ce que le projet de « Coran européen », à vocation scientifique et financé à hauteur de 10 millions d’euros par la Commission européenne ? Que vous inspire-t-il ?

FLORENCE BERGEAUD-BLACKLER.— Précisons d’abord de quoi on parle. Le projet «Le Coran européen : l’étude du texte sacré de l’islam à travers la culture et religion européenne » est financé par la bourse « Synergy Grant » [en anglais] du Conseil européen de la recherche (ERC). Il propose d’explorer la place et l’influence du Coran dans la culture, la religion et la pensée européennes entre le XIIe et le XIXe siècles. À cette fin, il réunit une trentaine de chercheurs de plusieurs universités européennes qui entendent recenser l’ensemble des exemplaires du Coran circulant sur le continent, leurs traductions, identifier les commanditaires, les soutiens institutionnels, les liens entretenus avec les universités ou les autorités politiques, etc. Mais il s’agit aussi de valoriser le Coran en tant qu’objet culturel et historique, notamment à travers une exposition itinérante dans des institutions prestigieuses telles que le British Museum ou la Bibliothèque apostolique vaticane. Les résultats semblent écrits d’avance : on doute en effet que les expositions prévues aboutissent à démontrer la faible influence du Coran sur les Européens.

Toute recherche critique est légitime, mais ici il y a une intention qui précède les résultats. Ce qui interroge n’est donc pas le sujet, mais la manière d’en traiter entre chercheurs plutôt en ligne avec l’approche apologétique religieuse, ainsi que le coût exorbitant de cette recherche au détriment d’autres approches historico-critiques comme celles des origines archéologiques du Coran par exemple, qui restent sous-dotées, voire taboues.

— Quels sont les acteurs de ce projet ?

— Professeur à l’université de Nantes, John Tolan (l’un des quatre directeurs du projet, NDLR) est un historien des relations entre l’islam et l’europe chrétienne au Moyen Âge. Il cherche le plus souvent à déconstruire les « imaginaires hostiles ». C’est un peu le problème des chercheurs sur l’islam qui veulent très louablement lutter contre les stéréotypes négatifs, mais finissent par produire des stéréotypes positifs qui sont tout aussi faux scientifiquement. Cela produit en outre des effets : parler de « Coran européen», c’est imposer les termes d’un débat – « le Coran est-il européen ou ne l’est-il pas ? » – qui n’a aucune pertinence scientifique. Cependant, cette problématisation est très intéressante pour les Frères musulmans et leur projet d’islam européen, c’est-à-dire selon leur point de vue d’Europe islamique, dans le cadre de ce qu’ils appellent l’« islamisation de la connaissance ». John Tolan contribue à l’argumentaire de leur projet lorsqu’il donne ses conférences à L’IESH Paris (institut théologique des Frères musulmans) comme, par exemple, celle intitulée « Le prophète Muhammad dans la pensée européenne ». Les autres chercheurs engagés dans le Coran européen sont des spécialistes du dialogue consensuel islamo-chrétien et des échanges interreligieux. Il convient également de mentionner Naima Afif, traductrice des écrits de Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, publiés par les Éditions Tawhid, lesquelles n’ont rien de scientifique. Elles ont été créées en 1990 par l’union des jeunes musulmans, branche jeunesse proche de Tariq Ramadan.

« L’UE finance des projets de recherche qui démontrent leur impact sociétal, leur contribution à l’inclusivité, à la cohésion. Cette orientation tend à favoriser des chercheurs conformes aux attentes institutionnelles plutôt que des esprits véritablement critiques et novateurs »
— Que les chercheurs impliqués épousent une certaine tendance idéologique rend-il pour autant caduc le caractère scientifique du projet ?

— Dans le monde académique, si vous souhaitez obtenir des financements de recherche en sciences humaines et sociales, vous êtes contraints de vous tourner vers L’UE, qui dispose de la force de financement. Pour décrocher ces projets, il faut rédiger ses propositions en des termes conformes aux politiques européennes en matière d’inclusivité, utiliser la novlangue institutionnelle, se conformer aux exigences de dissémination des résultats sous forme d’expositions, d’événements consensuels… Il faut aussi promettre que votre recherche améliorera la situation des Européens – cela doit surtout se voir. La campagne du Conseil de l’Europe financée par L’UE en 2021, « La joie dans le hidjab », relevait de cette logique.

Le consensus est précisément incompatible avec la recherche scientifique, qui par nature implique la controverse; le progrès vient du débat et de la confrontation des arguments. On peut légitimement s’interroger sur les intentions et les destinataires des résultats produits dans le cadre d’un projet comme celui de « Coran européen ». À qui sontils destinés? Dans quel but? L’UE finance des projets de recherche qui démontrent leur impact sociétal, leur contribution à l’inclusivité, à la cohésion. Cette orientation tend à favoriser des chercheurs conformes aux attentes institutionnelles, dociles vis-à-vis des exigences normatives, plutôt que des esprits véritablement critiques et novateurs. Ce type de financements attire également des militants, dont les positions sont alignées sur les valeurs promues par L’UE. Ils s’inscrivent alors dans une logique de légitimation réciproque.

— Comment les activistes musulmans et leurs associations s’y prennent-ils pour gagner du terrain au sein des institutions européennes ?

— Les acteurs militants de la « frérosphère » alignent leurs revendications sur le vocabulaire inclusif de l’union européenne. Pour décrocher des projets qui leur apportent argent et légitimité, ils répondent aux appels à propositions en cochant les cases - les mêmes que celles utilisées par les évaluateurs. Si vous voulez mettre toutes les chances de votre côté et que vous travaillez sur un sujet clivant, formulez vos phrases avec des mots comme : inclusion, diversité, égalité, résilience, empowerment, cohésion, dialogue, participation, ouverture, accessibilité, transparence, impact, progrès, justice sociale.

Une fois que vous avez décroché le projet et obtenu le précieux label bleu étoilé, vous pouvez aller solliciter des financements complémentaires auprès d’une mairie ou d’un conseil régional ; vous pourrez exposer vos résultats dans n’importe quelle bibliothèque municipale, et vous serez traité comme un modèle d’intégration. Et cela quand bien même vous subvertissez la science pour un projet d’islamisation de la connaissance, c’est-à-dire un savoir compatible avec la charia. Dans ce cas du « Coran européen », un tel projet pourrait servir un certain révisionnisme historique qui vise à faire des Européens une oumma (nation islamique) qui s’ignore. C’est le rêve des Frères musulmans.

Accueil des universitaires américains à Aix-Marseille : ils travaillent principalement en sciences humaines et sociales

Le programme de l'université «Safe space for science» [en anglais dans le texte] offre un asile scientifique aux chercheurs américains pendant 3 ans. Un programme "nécessaire" pour Éric Berton, qui appelle à la création d'un statut de réfugié scientifique, avec François Hollande.


Les candidats sont majoritairement des profils «expérimentés», qui travaillent en sciences humaines et sociales : « Ce sont principalement ceux qui s'intéressent au genre, à l'histoire. Souvent, ils sont accusés de réécrire l'histoire », explique le président d'Aix-Marseille Université, « mais il y a aussi des collègues des sciences biologiques, des médecins, notamment ceux qui travaillent sur l'épidémiologie, les vaccins et la cancérologie ».

Un "salaire français très correct"

S'ils sont sélectionnés, les chercheurs toucheront un "salaire français très correct", mais d'après Éric Berton, cette rémunération n'est pas à l'origine de leur motivation : "Ils sont aussi motivés par cette liberté académique et le fait qu'on les accueille dans une université de haut niveau international, dans un environnement où ils sont désirés, où ils pourront s'exprimer".

Parmi tous ces candidats, seulement une vingtaine seront accueillis par l'université d'Aix-Marseille à partir de juin. Coût de l'opération : 15 millions d'euros, entièrement pris sur l'enveloppe "consacrée à l'international", précise Éric Berton, "ce ne sont pas 15 millions d'euros que nous enlevons aux chercheurs français" [mais à des chercheurs francophones hors de France ?]

lundi 21 avril 2025

Canada — Mark Carney patine, bafouille et trébuche sur des questions simples liées au genre

Mark Carney patine, bafouille et trébuche sur des questions simples liées au genre et aux espaces réservées aux femmes biologiques. Carney ne répond pas à la question sur le nombre de genres (il dit 2 sexes ce qui est une question différente pour les LGBTQ). Quel brilliant et chaleureux orateur.

Voir aussi

Mark Carney accusé de plagiat pour sa thèse de doctorat de 1995 à Oxford

Carney maintient le cap Trudeau en ce qui a trait aux traitements chimiques et chirurgicaux des enfants qui se disent trans

Le Premier ministre canadien Mark Carney a invité à son conseil un confondateur de l'Initiative du Siècle

Sondage (n=1500) — Près des 2/3 des Canadiens contre le triplement de la population du Canada d'ici 2100 (le plan de l'Initiative du Siècle)

Le chef libéral Mark Carney a été accusé de s'approprier les idées des autres au cours de la campagne électorale fédérale (en anglais, Globe and Mail)

Les Britanniques avertissent que le nouveau premier ministre canadien a une « touche Midas inversée ». La réputation de Mark Carney en tant que gouverneur de la Banque d'Angleterre est plus entachée qu'il ne le laisse entendre (en anglais, National Post)

Tenir compte des avertissements sévères de la Grande-Bretagne à l'égard de Mark Carney. La presse britannique tant de gauche que de droit s'est montrée beaucoup plus critique à l'égard de notre nouveau premier ministre que la nôtre.  (en anglais, National Post)

vendredi 18 avril 2025

Interlude pascal

Crucifixus


Crucifixus d'Antonio Lotto à la Sainte Chapelle de Paris


Crucifixus etiam pro nobis sub Pontio Pilato:
Passus, et sepultus est

Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
il souffrit sa passion et fut mis au tombeau.

ХРИСТОС ВОСКРЕСЕ (Christ est ressuscité)

  Christ est ressuscité par le Chœur cosaque de Moscou

Христос воскресе из мертвих, смертию смерт поправ и сущим во гробех живот даровав.

Le Christ est ressuscité des morts; par la mort, il a vaincu la mort; à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la Vie.


Victimae Paschali Laudes




La séquence de Pâques Victimæ Paschali Laudes chantée lors de la messe de Pâques est généralement attribuée à un prêtre burgonde du XIe siècle, Wipon de Bourgogne († 1048).

Une traduction en vers (XVIIIe siècle)

Adore, ô peuple saint, l’innocente victime
Qui te purge de crime.
Voici l’heureuse Pâque où s’immole l’Agneau,
Qui sauve le troupeau.
Où Jésus par son sang apaise de son Père
L’équitable colère.
Ô merveilleux duel, où la vie et la mort
Signalent leur effort !
Le chef des vivants meurt ; mais, reprenant sa vie
Qu’on lui croyait ravie,
Il terrasse la mort, il trouve un jour plus beau
Dans la nuit du tombeau.
Qu’as-tu vu, chaste amante, illustre Madeleine,
En ta cuisante peine ?
J’ai vu mon roi vivant après tant de combats
Mettre l’enfer à bas.
Et, sur son tombeau même, élevant le trophée,
De la mort étouffée,
J’ai vu le saint suaire, et les linceuls sacrés
De son cercueil tirés.
Et des anges, brillants de clartés non pareilles,
M’ont appris ces merveilles.
Mon Roi vit. Mon Sauveur et mon unique espoir
A mes yeux s’est fait voir.
Allez en Galilée, et, selon les oracles,
Vous verrez ses miracles.
Nous croyons que Jésus vraiment ressuscité
A l’enfer surmonté.
Mais toi, divin sauveur, au jour de ta victoire,
Fais-nous part de ta gloire.



Stabat Mater de Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1736)

Stabat Mater dolorosa
Iuxta crucem lacrimosa
dum pendebat Filius.

Debout, la Mère, pleine de douleur,
Se tenait en larmes, près de la croix,
Tandis que son Fils subissait son calvaire. (litt. pendait.)




Pange Lingua de la Missa Pange Lingua de Josquin des Prés (1450-1521)

Pange, lingua, gloriosi
Corporis mysterium,
Sanguinisque pretiosi,
quem in mundi pretium
fructus ventris generosi
Rex effudit Gentium.

Chante, ô ma langue, le mystère
Du corps sacré, corps glorieux,
Et celui du sang précieux,
Versé pour racheter la terre
Par le fruit d’un sein merveilleux.



Membra Jesu nostri, Ad Pedes (I) de Dietrich Buxtehude (1637-1707)

Ecce super montes
Pedes evangelizantis
Et annunciantis pacem.

[...]

Clavos pedum, plagas duras,
Et tam graves impressuras
Circumplector cum affectu,
Tuo pavens in aspectu,
Tuorum memor vulnerum.

Dulcis Jesu, pie deus,
Ad te clamo licet reus,
Praebe mihi te benignum,
Ne repellas me indignum
De tuis sanctis pedibus.

Voici sur les montagnes
Les pieds du messager
Qui annonce la paix.

[...]

Les clous des pieds, les plaies dures,
Et les marques si profondes,
Je les couvre avec tendresse,
Craignant ta vue,
Me souvenant de tes blessures.

Doux Jésus, Dieu pieux,
Je te crie, comme il est permis à ton débiteur,
Sois bienveillant à mon endroit,
Ne me repousse pas, indigne
De tes pieds saints.





O Haupt voll Blut und Wunden,
Voll Schmerz und voller Hohn,
O Haupt, zum Spott gebunden
Mit einer Dornenkron’,
O Haupt, sonst schön gezieret
Mit höchster Ehr’ und Zier,
Jetzt aber höchst schimpfieret;
Gegrüßet sei’st du mir !

Chef couvert de blessures,
meurtri par nous pécheurs,
Chef accablé d’injures,
d’opprobres de douleurs.
Des splendeurs éternelles
naguère environné,
C’est d’épines cruelles
qu’on te voit couronné !



Mache dich, mein Herze, rein,
ich will Jesum selbst begraben.
Denn er soll nunmehr in mir für und für
seine süße Ruhe haben.
Welt, geh aus, laß Jesum ein!

Purifie-toi, mon cœur,
je veux enterrer Jésus moi-même.
Car en moi désormais il doit reposer
à jamais en paix.
Monde, retire-toi, laisse entrer Jésus.





Gebt mir meinen Jesum wieder !
Seht, das Geld, den Mörderlohn,
Wirft euch der verlorne Sohn
Zu den Füßen nieder !

Qu’on me rende mon Jésus !
Voyez, l’argent, le prix du sang,
Le fils prodigue le jette
À vos pieds !




Χριστὸς ἀνέστη ἐκ νεκρῶν, θανάτῳ θάνατον πατήσας καὶ τοῖς ἐν τοῖς μνήμασι ζωὴν χαρισάμενος.

Le Christ est ressuscité des morts, Par la mort, il a vaincu la mort et à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la vie.