![]() |
Une jeune manifestante brandit une pancarte, le 8 mars dernier, lors de la manifestation parisienne célébrant la Journée internationale des droits de la femme. |
En France, les jeunes femmes votent plus pour La France insoumise [parti d'extrême gauche] que leurs homologues masculins. Cette radicalisation de la jeunesse féminine à gauche se retrouve partout en Occident.
[...] Comme le remarquait la chercheuse Kay S. Hymowitz dans un article du journal conservateur City journal intitulé « The New Girl Desorder », les jeunes femmes sont de plus en plus nombreuses dans les manifestations propalestiniennes sur les campus occidentaux.
Sans directement s’identifier à l’insoumise en quête de frissons, une partie de la jeunesse féminine française semble bel et bien adhérer aux idées de la gauche… la plus à gauche. C’est en tout cas ce que révèle une étude Ifop-Hexagonal publiée en mai 2025. On y apprend que 32 % des jeunes sondées de 18 à 24 ans seraient enclines à voter pour le candidat traditionnel de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, à la prochaine présidentielle en 2027. Ce pourcentage s’effondre à mesure que l’âge augmente : elles seraient 12 % parmi les 25-64 ans et 2 % chez les 65 ans et plus. La proportion est également plus basse chez leurs homologues masculins : chez les 18-24 ans, ils seraient moins de 24% à envisager de voter pour Jean-luc Mélenchon, soit 8 points de moins que les femmes. Et si elles sont à gauche, les jeunes hommes, pour leur part, serrent les rangs à droite. « À la dernière présidentielle en 2022, ce sont seulement 16 % des femmes de moins de 25 ans qui ont donné leur voix à la droite nationale contre 33 % des hommes du même âge. C’est du simple au double», résume le directeur du pôle politique-actualités à l’ifop, François Kraus, qui précise toutefois que les Françaises sont bien moins hostiles à l[a prétendue] extrême droite aujourd’hui qu’auparavant. Les écarts étaient similaires aux Européennes et aux législatives de 2024, précise le sondeur.
Ce «gender gap» (« fossé/écart/clivage de genre») est donc bien ancré et très récent. « Cela fait 5 à 8 ans que l’on retrouve ces chiffres », estime François Kraus. Le fossé était en effet bien moins important au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Si 27 % des femmes de moins de 35 ans avaient voté pour Jean-luc Mélenchon, 24% des hommes du même âge avaient aussi glissé son nom dans l’urne. En 2012, la différence était encore plus faible. François Hollande et Jean-Luc Mélenchon avaient réuni au total 41 % des voix de la jeunesse, donnant à voir un vote de gauche chez les jeunes, tout à la fois moins radical et plus égalitaire. Outre-atlantique, on retrouve le même tropisme récent chez les jeunes Américaines, détaille un article du Financial Times publié en janvier 2024. « À la dernière présidentielle américaine, chez les 18-29 ans, les jeunes femmes qui ont voté Kamala Harris étaient bien plus nombreuses que les garçons du même âge, avec 14 points d’écart », explique Flora Baumlin, directrice d’expertise au sein du département opinion de l’ifop. Même constat chez nos voisins allemands et anglais.
« Une nouvelle fracture mondiale entre les sexes se dessine », a ainsi titré le Financial Times. « Sur tous les continents, un fossé idéologique s’est creusé entre les jeunes hommes et les jeunes femmes. Des dizaines de millions de personnes qui occupent les mêmes villes, lieux de travail, salles de classe et même foyers ne partagent plus la même vision », peut-on y lire. Les filles et garçons vivent donc côte à côte, mais leurs idées, elles, tracent des routes indépendantes, nourries par des algorithmes et des penseurs aux antipodes. Si l’on connaissait jusqu’à présent la fracture sociale, la fracture identitaire et la fracture géographique, il faudra désormais aussi compter avec la fracture sexuelle.
Dès lors, dans l’esprit de nombreuses féministes, la droite et a fortiori l’extrême droite seraient les ennemies de leurs droits et libertés car garantes d’un conservatisme structurellement opposé aux femmes. « Pourquoi des femmes votent RN ? », s’étranglait Anne-Cécile Mailfert, militante féministe et présidente de la Fondation des femmes, sur France Inter en juin 2024. Voter à gauche serait le geste féministe par excellence. Et cette opposition est d’autant plus forte que les jeunes femmes adhèrent davantage que leurs homologues masculins aux thèses sur le genre et s’identifient plus volontiers comme appartenant à des minorités sexuelles. Des sujets largement investis par la gauche radicale. Chez les 18-29 ans, 19 % des femmes ne se définissent pas comme hétérosexuelles, alors qu’ils ne sont que 8 % chez les hommes, nous apprend une étude de l’Ined publiée en avril dernier.
[...]
Les partis de gauche ont ciblé prioritairement les femmes en surfant sur ce mouvement. Cela n’est pas sans rappeler la « stratégie Terra Nova », du nom du think-tank qui avait publié un rapport conseillant au Parti socialiste de dessiner une coalition comprenant les diplômés, les jeunes, les minorités, les quartiers populaires et, bien sûr, les femmes. « La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique », pouvait-on lire.
Face à ces thèses, les hommes seraient-ils dans une pure logique de réaction ? Pour Anne-cécile Mailfert, contactée par Le Figaro, il s’agit surtout d’une logique d’algorithmes. « Si vous créez un profil homme ou femme sur un réseau social, en seulement 24 heures, vous allez être exposé à des contenus très différents », explique-t-elle. Les hommes découvriraient sur leurs écrans de téléphone des contenus masculinistes quand les femmes ouvriraient des vidéos en lien avec la beauté, la nature mais aussi des publications féministes et politisées. Allongés dans leur lit, le mari et la femme pourraient ainsi vivre « dans deux univers parallèles ». « Avant, même s’il y avait déjà des divergences, tout le monde regardait le “20 Heures”. Et qu’ils lisent Libération ou Le Figaro, ils partageaient une base commune. Aujourd’hui, les clivages sont bien plus forts », poursuit la militante. Ces bulles informationnelles donnent à chacun les informations alimentant sa pensée sans risque de contradiction. Et polarisent chaque genre.
Mais la jeunesse n’est pas seulement divisée sexuellement, elle est – comme le reste de la société française - archipélisée et donc plurielle. Et les jeunes sont surtout abstentionnistes. «C’est leur premier parti », pointe le professeur à HEC Yann Algan. «La jeunesse française est persuadée qu’elle vivra beaucoup moins bien que ses parents. L’abstentionnisme ou les votes polarisés sont de simples expressions de ce désespoir », analyse-t-il.
« La polarisation à la gauche de la gauche concerne les femmes issues des classes moyenne et supérieure, qui ont bénéficié d’un certain niveau d’éducation, détaille ainsi François Kraus de l’Ifop. Le modèle type est celui des jeunes filles qui quittent leur province, leur zone pavillonnaire ou leur ville moyenne et qui vont être sensibilisées dans des grandes métropoles à des idées progressistes et aux discours multiculturalistes. Il y a une véritable rupture par rapport au modèle de genre qu’elles avaient jusque-là dans leur vie courante. C’est un mouvement d’acculturation féministe très puissant, que l’on n’a jamais connu jusque-là», poursuit-il. «Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon se recrutent massivement parmi les professeurs, les cadres, les diplômés, les étudiants de Sciences Po, la chose est établie. Ceux-là mêmes qui élaborent, diffusent ou simplement donnent leur adhésion à l’idéologie diversitaire et victimaire, à laquelle Jean-Luc Mélenchon s’est converti et dont il se fait le tribun inquiétant », abonde la philosophe Bérénice Levet.
Outre Rima Hassan, il est frappant de constater que la plupart des égéries de la gauche médiatique sont des jeunes femmes. [Les égéries sont des nymphes, muses, des conseillères...], On peut citer entre autres Salomé Saqué, Camille Étienne ou Greta Thunberg… Cette dernière, la première à avoir fait parler d’elle, suédoise, se trouvait aussi à bord de la « flottille de la liberté » en direction de Gaza aux côtés de Rima Hassan. Suivie par près de 15 millions de personnes sur Instagram, Greta Thunberg a construit son incroyable audience sur son combat écologique affirmée dès le plus jeune âge. Du haut de ses 15, 16 puis 17 ans, de sommets internationaux en grèves de la faim, la jeune militante lançait des «How dare you?» («Comment osez-vous?») à l’adresse de personnalités publiques et politiques d’envergure internationale. Ce faisant, elle a marqué le monde d’un style pour le moins novateur : une jeune fille, mineure à l’époque, peut aisément, et peut-être même mieux que les autres (en tous les cas, selon ses dires) dresser un diagnostic juste sur le monde.
Plus récemment, elle s’est illustrée dans son combat antisioniste entêté, ce qui la catégorise facilement dans les personnalités de gauche qui adhèrent sans aucune nuance à la « convergence des luttes ». Phénomène également à l’origine de ce vote féminin à gauche, pointe Flora Baumlin de l’Ifop. Les thèses intersectionnelles « créent un lien entre différentes formes de domination sociale (classe sociale, genre, race), détaille-t-elle. Les grilles de lecture de cette gauche font des ponts entre différentes formes de militantisme - antiracisme, écologie, féminisme – pour trouver des lignes d’analyse communes. » Les jeunes femmes, qui estiment être victimes d’un système patriarcal, se sentent plus proches de populations qu’elles considèrent elles aussi comme victimes, à l’instar des immigrés ou des étrangers. Et votent logiquement pour ceux qui défendent leurs causes convergentes. De manière bien plus consensuelle et à la sauce française, la journaliste de Blast Salomé Saqué a récemment publié un essai, Résister (Payot), pour se dresser contre l’extrême droite qui met selon elle la France en péril. Le petit ouvrage, déjà vendu à 150 000 exemplaires, dispense un prêt-à-penser à tous ceux qui seraient en mal de repères. La militante travaille pêle-mêle sur l’écologie, le féminisme et les inégalités hommes-femmes.
La présence croissante de tous ces thèmes à l’université serait une des dernières explications de la différence qui s’installe et se creuse entre les hommes et les femmes. Scolairement, ces dernières réussissent en moyenne mieux que leurs homologues masculins et sont de plus en plus présentes dans les études supérieures. En France par exemple, les jeunes femmes sont plus diplômées, quel que soit le niveau d’étude. Mais si tout le monde s’accorde sur les faits, les avis divergent quant à leurs interprétations. Pour certains spécialistes, les jeunes femmes seraient plus diplômées, donc plus éduquées et donc plus progressistes. Pour d’autres, comme Eric Kaufmann, chercheur canadien vent debout contre le wokisme, les femmes (qui constituent 60% du corps étudiant aux Étatsunis) seraient surtout bien plus exposées aux discours intersectionnels que leurs pairs masculins. Ce qui les orienterait vers un vote de gauche. [...]
Source : Le Figaro
Voir aussi
« Les femmes alimentent le wokisme sur les campus et dans la société »
Femmes tradi : retour du « patriarchat », montée en puissance de l'« extrême-droite » ?
Le mythe de la misogynie ambiante et pernicieuse
« Guerre contre les femmes » ? Plutôt, une guerre contre les enfants
Australie — Recrutement sur base de CV anonymisés augmente nombre d'hommes blancs sélectionnés